Ces diplômes qui mènent à l’emploi

Etre diplômé de l’enseignement supérieur augmente considérablement les chances d’accéder à l’emploi. Mais le parcours peut être long. Et tous les diplômes n’offrent pas la même rapidité d’insertion. Quelles sont les filières qui permettent de décrocher presque immédiatement un premier contrat ?

Quatre ans après leur sortie, 77 % des universitaires et 78 % des diplômés de Hautes Ecoles ont un emploi « , constate Pierre Desmarez. Professeur de sociologie à l’ULB, il mène actuellement une recherche sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Et met en évidence un allongement de la période d’insertion professionnelle :  » Nos premiers résultats confirment ce qu’on savait déjà : pour les diplômés de l’enseignement supérieur, l’insertion professionnelle est un processus relativement long, où se succèdent des statuts parfois très divers : intérim, périodes de formation, de chômage, etc. « 

Si le processus est long, il estime pourtant que,  » dans l’ensemble, ces jeunes s’insèrent plutôt bien « . Leur taux d’insertion reste, en effet,  » nettement supérieur à celui des jeunes moins diplômés, qui est 20 % plus bas « . C’est également le constat de Jean-François Marchal, analyste du marché de l’emploi et de la formation. L’étude (1) qu’il a réalisée pour le Forem sur la base de la situation de 2 500 jeunes lui permet d’affirmer qu' » avoir un diplôme ouvre les portes de l’emploi « .

Des filières inégales

Mais, si sortir de l’enseignement supérieur augmente la probabilité d’accéder durablement à l’emploi, certains diplômes permettent de décrocher plus rapidement un premier contrat. De ses recherches, Jean-François Marchal dégage quelques grandes tendances :  » Les titulaires de baccalauréats médicaux et les ingénieurs en formation courte partagent le haut du classement avec les régents.  » Parmi les diplômes de l’enseignement supérieur de type long et universitaire, Jean-François Marechal met en évidence les diplômes scientifiques :  » Les diplômés en mathématiques, statistiques, sciences biologiques et médicales, informatique, électromécanique et les ingénieurs sont engagés très rapidement.  » Sans oublier que les diplômes en comptabilité, gestion, droit, éducation physique, langues germaniques, philologie romane et linguistique offrent également des taux d’insertion élevés. Enfin, toutes disciplines confondues,  » 85 % des jeunes qui se destinent à l’enseignement sont engagés dans les six mois suivant leur inscription au Forem « .

Les spécialistes sont unanimes : les diplômes médicaux et sociaux, scientifiques et ceux d’ingénieur, d’informaticien ou d’enseignant sont de véritables sésames pour le marché de l’emploi.  » Pour certains diplômes, il n’y a pas de chômage à Bruxelles « , affirme Stéphane Thys, coordinateur de l’Observatoire bruxellois de l’emploi. C’est par exemple le cas des jeunes informaticiens. Comme l’explique Marc Vandeur, coordinateur de la cellule emploi de l’ULB,  » on pleure pour avoir des informaticiens ; ils sont tellement demandés qu’ils peuvent faire la fine bouche. Même l’université n’arrive pas à retenir ceux qu’elle forme « .

Même constat pour la majorité des diplômes d’ingénieur :  » S’il y a un diplôme qui sort du lot aujourd’hui et qui mène directement à l’emploi, c’est bien celui d’ingénieur. Ingénieurs civils, industriels, bio-ingénieurs, ingénieurs commerciaux, informaticiens… Ils sont d’ailleurs souvent débauchés sur les bancs de l’université « , remarque Jacques Hermans, Public Affairs Manager de Randstad. Les profils paramédicaux sont, eux aussi, particulièrement prisés :  » En tant qu’infirmier ou infirmière, vous avez du travail demain ! On n’en a plus suffisamment en Belgique ; on est obligés de les recruter à l’étranger « , explique-t-il.  » Un des grands défis des années à venir sera de trouver les bons profils. Il y a beaucoup de métiers en pénurie pour lesquels on ne trouve pas suffisamment de candidats « , ajoute Jacques Hermans.

Pénurie et mismatch

Car il y a une corrélation entre pénurie de profils spécialisés et accès direct à l’emploi. Comme le confirme Stéphane Thys,  » la tension entre offre et demande dans certains secteurs et la vitesse d’insertion des jeunes diplômés sont liées « . Marc Vandeleene, Communication Manager de Manpower, insiste sur l’augmentation de la discordance – » mismatch  » – entre les besoins du marché et les profils disponibles :  » Aujourd’hui, 36 % des employeurs belges disent avoir du mal à pourvoir certains postes. Ils étaient 27 % en 2010.  » Ce qui fait dire à Manpower que le problème n’est pas quantitatif, mais qualitatif :  » Il n’y a pas suffisamment de candidats disposant de la qualification adéquate au bon endroit et au bon moment.  »

 » Il n’y a cependant pas d’adéquation stricte entre cette pénurie et la formation !  » précise Stéphane Thys. En effet, de nombreux diplômés changent d’orientation en début de carrière, ou au cours de celle-ci :  » C’est là tout le problème de la pénurie. Ce n’est pas parce qu’on forme un grand nombre d’étudiants dans un secteur que le problème sera résolu. Selon les filières, entre 4 et 9 diplômés sur 10 vont se diriger vers des secteurs auxquels ils ne sont pas préparés. La moitié des enseignants se réorientent, par exemple, durant les cinq premières années.

Des scientifiques en diminution

S’il est un secteur où la pénurie de profils est directement liée au nombre d’étudiants, ce sont les sciences.  » On observe un tarissement des flux de diplômes scientifiques « , s’inquiète Stéphane Thys, d’Actiris.  » Or la demande de diplômés en sciences dures est assez forte. Le désamour pour les études scientifiques en communautés française et flamande est très inquiétant pour des domaines comme la recherche & développement et le secteur de l’environnement. Renforcée par la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis, cette diminution pourrait être un frein à la croissance « , insiste-t-il.

La situation inquiète également Marc Vandeleene :  » Le marché est en inadéquation. Les filières scientifiques, techniques et quantitatives sont moins choisies ; on étudie davantage les sciences humaines.  » Or, selon lui, ces études sont souvent trop générales pour les postes disponibles.  » Elles apportent des compétences essentielles et une ouverture d’esprit bénéfique, mais ne sont pas assez spécialisées et, à la sortie, les offres d’emplois sont moins nombreuses.  » Pour Marc Vandeur, de la cellule emploi de l’ULB,  » c’est une affaire de choix personnel, de signe des temps « . Les jeunes diplômés seraient plus attirés par des débouchés à caractère  » humaniste « .  » Si l’on organise une conférence sur l’emploi dans la coopération au développement, il y aura 200 étudiants dans la salle. Seuls 10 % trouveront peut-être un emploi dans le domaine. Pour le commerce, c’est l’inverse. 20 étudiants de l’ULB viendront se renseigner, alors que plus de 200 d’entre eux pourraient y trouver un emploi dès la sortie de leurs études, toutes disciplines confondues. « 

Marc Vandeleene met en cause l’image  » biaisée  » qu’auraient les jeunes du monde de l’entreprise :  » Nous entrons dans ce qu’on a identifié comme un human age. Les travailleurs sont à la recherche de sens et de fonctions à caractère humain. Or l’entreprise a encore un gros déficit d’image, malgré les efforts qui ont été faits un peu partout pour améliorer le quotidien des employés.  »

Généralistes vs spécialistes

Mais, si la génération Y est plus exigeante, Marc Vandeleene précise que les employeurs le sont aussi :  » Leurs attentes sont plus spécifiques que par le passé.  » D’où une demande de profils spécialisés, au détriment de diplômes plus généraux.  » Avant, un diplôme généraliste était un atout. Cela reste vrai, mais aujourd’hui, les profils spécialisés – en construction, en aviation, ou en informatique, par exemple – sont très demandés. Avoir une niche, une spécialité, c’est très fort « , affirme Jacques Hermans. Celles que le porte-parole de Randstad appelle les  » filières douces  » offriraient une formation trop large :  » La sociologie, la psychologie, la communication, l’histoire, la philosophie, la philologie classique, les romanes, les germaniques, les sciences politiques, la criminologie, ou la traduction sont de très bons diplômes, qui mènent à des tas de débouchés différents. Mais leur caractère très général pose parfois problème. Il est souvent plus difficile de trouver un emploi en dehors de l’enseignement.  » Un constat que confirme Stéphane Thys, de l’Observatoire bruxellois de l’emploi :  » En règle générale, les diplômés des filières scientifiques trouvent un emploi plus rapidement que les sciences humaines.  » Bien sûr, il y a des exceptions.  » La rapidité d’insertion des ingénieurs agronomes est un peu moins importante que celle des ingénieurs civils, par exemple.  » Autres exceptions, selon Jacques Hermans :  » Le droit et les sciences économiques sont également des études à caractère général, réputées pour mener à un large éventail de fonctions. Mais, en règle générale, leurs diplômés trouvent assez facilement un emploi. « 

 » Une image plus réaliste « 

Faut-il pour autant encourager les jeunes diplômés à privilégier certaines filières ? Ce n’est pas la position de la cellule emploi de l’ULB :  » Pour nous, une filière ou une faculté vaut l’autre, c’est une affaire de choix personnel « , explique Marc Vandeur. Il estime d’ailleurs qu' » il serait indélicat de conseiller aux futurs étudiants d’intégrer tel ou tel secteur, sous prétexte qu’il y a de l’embauche aujourd’hui. Ce sera peut-être encore le cas demain, mais la conjoncture peut évoluer très vite « .

Pour Marc Vandeleene, il s’agit surtout d’informer les adolescents et jeunes adultes et de leur donner une image plus réaliste du monde du travail.  » Ils ne se rendent pas toujours compte qu’aujourd’hui, peu importe le secteur, la plupart des métiers ont un aspect communication et un aspect humain. Tout le monde peut être utile et tourné vers les autres. La plupart des fonctions requièrent un travail d’équipe. Et des capacités en communication et une sensibilité plus « humaine » peuvent être mises à profit de manière extraordinaire dans des fonctions scientifiques ou d’ingénierie. Combiner des compétences techniques et des habiletés en communication sera très apprécié. « 

De nouvelles compétences

Dans un marché de l’emploi en pleine mutation, de quels profils aurons-nous besoin demain ? Selon Stéphane Thys,  » le développement des secteurs liés à l’environnement et aux énergies renouvelables va doper les besoins de diplômés en sciences « . Pour Jean-François Marchal, ce  » verdissement de l’économie  » nécessite le développement de nouvelles compétences, dans des fonctions existantes :  » Il s’agit de diminuer l’utilisation des ressources, notamment énergétiques, et de réduire les impacts sur l’environnement. Ces compétences sont à acquérir à tous les niveaux et dans des domaines très variés. On va rechercher plutôt une qualification qu’un profil précis. « 

Plus que le diplôme, ce sont également des compétences transversales que Marc Vandeleene met en avant :  » Aujourd’hui, les organisations et les structures changent de plus en plus vite. Il faut pouvoir à la fois s’adapter à ces changements et à la complexité, diriger une équipe, être mobile, continuer à se former, s’adapter aux changements technologiques et envisager d’autres types de contrats et de carrières. Je pense qu’il faut avoir un esprit d’indépendant, même quand on est employé.  » l

(1)  » Chiffres et commentaires « , in  » Marché de l’emploi « , le Forem, août 2010.

LARA VAN DIEVOET

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