Ce que risque le chanteur

Bertrand Cantat compte parmi les 48 étrangers incarcérés en Lituanie, en 2003, dans l’attente de leur jugement. C’est une justice très soucieuse de son indépendance qui s’apprête à statuer sur son cas. Les déclarations françaises de l’été dernier, présentant comme presque acquise l’extradition du rocker, ont été considérées à Vilnius comme une ingérence dans les affaires intérieures. Une ingérence d’autant plus mal ressentie que le pays s’apprête à rejoindre l’Union européenne en mai prochain.  » Seriez-vous aussi inquiets si le procès se déroulait en Allemagne ou en Italie ?  » glisse, avec un sourire entendu, Kazimieras Motieka, avocat de la partie civile et vice-président du Parlement lors de l’accession de la Lituanie à l’indépendance.

Au cours de l’instruction, menée sous la conduite du procureur de la capitale, Bertrand Cantat a été inculpé de  » meurtre « , selon la terminologie du nouveau Code pénal lituanien, entré en application le 1er mai 2003. Le chanteur risque de cinq à quinze ans d’emprisonnement. En France, il aurait dû répondre de  » violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner « , un crime également puni d’une peine pouvant atteindre quinze ans de prison.

Bertrand Cantat comparaîtra devant la cour régionale de Vilnius. Les trois magistrats professionnels qui composent le tribunal (il n’existe pas de jury populaire) pourraient exiger un huis clos pour examiner l’affaire.

Lors des audiences, les avocats de Bertrand Cantat seront libres d’évoquer certaines des 13 circonstances atténuantes prévues par la justice, comme la reconnaissance d’un crime ou l’expression de regrets par l’auteur. Une autre disposition du Code pénal sera au centre des débats, qui promettent d’être particulièrement vifs. L’article 130 donne la possibilité aux juges de reconnaître l’état d' » extrême excitation  » du  » meurtrier « . Cette disposition suppose que sa victime l’ait provoqué avant les faits. Dans ce cas, la peine maximale prévue est réduite à six ans d’emprisonnement. En pratique, cette circonstance semble rarement retenue. Les peines prononcées oscillent généralement entre sept et dix ans de prison.

Après le jugement, défense et partie civile pourront faire appel de la décision, ce qui ouvrirait la voie à l’organisation d’un second procès. En cas de litige, la Cour suprême serait amenée à trancher. Enfin, après sa condamnation définitive, Bertrand Cantat pourrait purger sa peine dans une prison française, à condition que les autorités lituaniennes donnent leur accord. Des aménagements de peine seraient alors possibles, conformément au régime carcéral français. Le chanteur ne pourra pas être rejugé en France, mais, à Paris, les parties civiles pourront exiger des dommages et intérêts.

Laurent Chabrun et Eric Pelletier

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