Caravane pour la paix

La guerre des narcos n’en finit pas de tuer. Des milliers de personnes ont traversé le pays pour dénoncer la violence, l’impunité et demander le retour des militaires dans les casernes.

Maria Magdalena Garcia monte sur l’estrade tremblante de dignité :  » Je n’ai pas peur, crie-t-elle. Je suis folle de colère. Je suis veuve, ils ont tué mon époux. Pour mes quatre enfants, j’irai jusqu’au bout pour connaître la vérité.  » La foule, en larmes, scande :  » No estas sola ! «  Tu n’es pas seuleà Le meeting a lieu, ce 10 juin, dans la ville mexicaine de Ciudad Juarez – la plus dangereuse du monde, dit-on -, proche de la frontière avec les Etats-Unis. Ici s’achève la  » caravane pour la paix « , lancée par un poète dont le fils a été tué en mars dernier. La douleur de Javier Sicilia, son exigence de justice et sa colère, dirigée tant contre la barbarie des narcos que contre la corruption et l’inefficacité des autorités, ont frappé de nombreux Mexicains. Après une première marche entre sa ville natale, Cuernavaca, et la capitale, Sicilia a pris la tête d’une caravane, rejoint par 250 associations et d’innombrables familles de victimes. Le convoi a suivi la  » route de la mort  » sur 3 400 kilomètres, traversant tour à tour le Michoacan, le Durango, le Coahuila, le Chihuahua et toutes les régions en proie à la guerre du gouvernement contre les cartels et à celle que ceux-ci se livrent entre eux. Depuis cinq ans, la violence aveugle aurait entraîné 40 000 morts et des milliers de disparus. Dans chaque ville, pendant des heures, les participants égrènent une litanie de l’horreur. Eugenia Zapata a quatre fils disparus. Yolanda Ochoa est sans nouvelles de son mari. Julian Le Barron a perdu son frère et plusieurs membres de sa famille, assassinésà  » Ces milliers de témoignages rendent compte d’une petite partie de notre douleur, souligne Javier Sicilia. Nous devons recouvrir le pays du nom de nos morts, nous voulons la justice et ferons pression pour l’obtenir.  »

 » S’attaquer aux racines économiques du crime « 

Au-delà du deuil et de la révolte, le mouvement vise à mobiliser la société. Ainsi, les membres de la caravane étaient réunis en tables rondes, le 10 juin, afin de rédiger un pacte citoyen. Première exigence : le retour immédiat des militaires dans leurs casernes. Les participants rappellent que l’utilisation de l’armée à des tâches de police est une violation de la Constitution. Ils exigent aussi un changement de la stratégie de lutte contre le crime organisé mise en £uvre depuis cinq ans par le gouvernement de Felipe Calderon.  » Il n’est pas possible que la seule réponse des autorités soit fondée sur la violence, dénonce Javier Sicilia. Il faut s’attaquer aux racines économiques du crime organisé, lutter contre le blanchiment d’argent. Et il faut investir dans l’éducation et dans l’emploi. Il faut redonner un avenir aux jeunes. « 

Au sein du cortège, les explosions de colère ont été nombreuses. Celles d’impuissance et de culpabilité aussi :  » Comment a-t-on pu laisser s’installer cette situation ? Pourquoi ne sommes-nous aujourd’hui que des milliers et pas des millions ?…  » Peu importe, répond Sicilia :  » A partir de maintenant, nous commençons la reconstruction. « 

DE NOTRE CORRESPONDANTE LÉONORE MAHIEUX

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