Capitale culturelle en chantier. Durable?

Mons espère dur comme fer devenir capitale européenne de la culture en 2015. Le couperet tombera en mars prochain. Et tout restera alors à faire.

Mons, capitale européenne de la culture en 2015. Le titre ronflant sonne plutôt bien et bourdonne aux oreilles des autorités montoises depuis des mois. Mais rien ne dit que la ville va emporter la palme, fût-elle la seule candidate belge. Le verdict tombera seulement en mars 2010. D’où la prudence actuelle du collège communal. En attendant, il étoffe son dossier, qu’il doit rentrer pour le 31 décembre. Et reste très discret sur le fond.

Son objectif néanmoins affiché ?  » Générer une dynamique citoyenne en formulant un projet d’ensemble qui permettrait à la ville et à sa région de retrouver le chemin de la prospérité à l’horizon 2015.  » En clair, les édiles comptent bien utiliser la porte culturelle comme outil de développement économique. Car à Mons, on en est persuadé : si le label permet la démocratisation de la culture, les retombées économiques seront colossales. Et durables :  » Personne n’avait envie d’aller à Lille avant qu’elle devienne capitale européenne de la culture en 2004, constate le bourgmestre Elio Di Rupo (PS), également en charge de la politique culturelle. Dix ans après, Lille reste un succès total. On ne pouvait pas faire mieux. Une reconversion d’autant plus exceptionnelle vu le modeste budget de 90 millions d’euros. Nous voulons suivre ce modèle. Même si nous sommes de taille inférieure à notre voisine du nord, nous pouvons devenir une référence dans la catégorie des villes moyennes de 100 000 habitants, avec un potentiel de 500 000 personnes qui vivent dans un rayon de 20 minutes en voiture. « 

60 millions d’argent public gérés par la Fondation Roi Baudouin

Pour faire de Mons cette référence dès 2015, Région wallonne, Communauté française, Province et Ville sont prêtes à investir 60 millions d’euros, hors financements privés.  » Un budget que nous ferons gérer par la Fondation Roi Baudouin pour jouer la transparence et prévenir les critiques « , lâche le mayeur.

Voilà qui devrait donner enfin la capacité à Mons d’honorer son statut de capitale wallonne de la culture, plus de 30 ans après en avoir reçu le titre officiel. Si ce titre pompeux lui a été octroyé dès 1978, il fallut attendre 2002 – et un certain Richard Miller (MR), à la Culture, pour voir arriver les premiers subsides.  » Pendant 20 ans, pas un euro n’est revenu à Mons pour remplir sa mission, martèle ce dernier, Montois de souche et actuel échevin du Budget. Voilà quelques années que cela s’est vraiment débloqué. Et il serait stupide de dire que l’aura d’Elio Di Rupo n’y est pour rien… « 

Le président du PS, paratonnerre à subsides ? La méthode semble payer. Mais l’intéressé botte en touche :  » Quand on décroche des fonds européens, c’est parce qu’on a de bons projets et de bons dossiers. Tout simplement. « 

Si Mons est aujourd’hui seule ville wallonne en lice pour obtenir le titre, cela ne s’est pas fait sans mal. Liège était à deux doigts de poser sa candidature. Mais il aurait fallu que les autorités communales soient plus motivées et que le mouvement populaire né suite à cette léthargie porte ses fruits.  » Vu les investissements publics déjà consentis à Liège, c’était normal de laisser voix au chapitre à l’ouest de la Wallonie. Si on joue la carte de la philosophie régionale, il faut laisser à chacun la possibilité de se mouvoir et d’évoluer. Bruxelles et Liège ont toujours raflé la mise, tant au niveau des infrastructures routières que des investissements publics. Mais je n’ai aucune aigreur. Je plaide depuis longtemps pour le développement multipolaire de la Wallonie. Et pour cela, il faut un minimum d’efforts accomplis ici comme ailleurs.  » Chacun son tour, donc. Et pour Elio Di Rupo, la Cité ardente a déjà largement eu le sien.

 » Where technology meets culture « 

Dans l’opposition, on ne peut que constater du balcon l’évolution du dossier.  » Mons 2015 ? Mais c’est l’affaire exclusive de la majorité, soutient Savine Moucheron, chef de groupe CDH au conseil communal. Il n’y a aucune concertation. Ni avec nous ni – plus grave – avec les acteurs de terrain, comme les associations spécialisées dans le secteur culturel. Il est grand temps de faire participer les Montois au projet. Sinon, on loupe l’objectif fondamental de la man£uvre… On ne nous tient même pas au courant des projets en cours ! Alors, les autres… « 

Et ils sont pourtant nombreux, car Mons entend changer son image de la cave au grenier… Le thème lui-même –  » Where technology meets culture  » – annonce la couleur. Certains projets sont déjà réalisés d’ailleurs : la Maison Folie, le Manège. Mons, les Abattoirs ou encore le BAM (Beaux-Arts de Mons), fierté de la majorité communale.

Au rayon des infrastructures à venir ? Outre la Fondation Mons 2015, centre névralgique de la structure organisatrice, on peut déjà citer Arsonic, un centre de musique émergente dans l’ancienne caserne des pompiers ; mais aussi le dépôt des £uvres d’art de la Communauté française dans une école désaffectée ou encore la requalification de la cour du Carré des arts et sa couverture. Le tout financé par les fonds européens et la Communauté française.

 » Côté infrastructures, la majorité travaille beaucoup, il n’y a pas de doute, critique Jean-Pierre Viseur, conseiller communal de l’opposition Ecolo. On arrivera sans doute à faire vivre tout ça pour 2015. Mais après ? La vision culturelle de la majorité est-elle réellement une politique à long terme ? Pour nous, il faut que Mons soit initiatrice de courants et ne mise pas seulement sur l’événementiel. Il ne faudrait pas que la ville (re)devienne un désert culturel par la suite.  » L’Ecolo n’en reste pas là.  » Tout ce qui est arts de la scène est particulièrement privilégié pour l’instant. Mais il s’agit surtout de créations contemporaines qui passent au-dessus de la tête de la population. Par contre, les arts muséaux sont pauvres. Quant au BAM, dont on parle si souvent dans les médias, c’est une catastrophe architecturale… « 

Tant d’efforts et de deniers publics pour démocratiser une culture inaccessible ? Le dragon s’en mordrait la queue.

A.-C.D. B

Utiliser la porte culturelle comme outil de développement économique

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