Cap vert à la sauce namuroise

En prenant le cap de l’aménagement durable, la capitale wallonne ambitionne de devenir une ville exemplaire au niveau européen. La rampe de lancement : le plan Marshall 2.vert. Un vaste programme que les Namurois ne devraient toucher du doigt qu’en 2015 au mieux. Rencontre avec le  » trois-mâts  » namurois.

Namur, la belle bourgeoise wallonne endormie sur ses privilèges ?  » Faux !  » s’insurgent de concert les trois chefs de file politique de la majorité que nous avons rencontrés dans leur fief. Selon eux, la population locale est loin de rouler sur l’or comme on le croit souvent. Elle n’aurait même rien à envier, socialement, à d’autres villes dites sociologiquement  » pauvres « .  » Même si Namur, elle, est largement oubliée dans le partage de la cassette fédérale de l’aide aux grandes villes « , clame le Collège. Un  » oubli  » à coloration politique qui n’empêchera pas Namur de vivre d’énormes chantiers censés jeter les bases d’une ville qui bouge à bon escient, en prenant le temps de la réflexion.

Une ville bientôt résolument branchée sur l’aménagement durable. Et pas seulement du bon vouloir d’Arnaud Gavroy, son échevin Ecolo de l’Aménagement… durable – une appellation contrôlée dépourvue d’ambiguïté dès l’entrée en fonction.  » Tout le Collège est aujourd’hui sur la même longueur d’onde et les axes stratégiques majeurs sont décidés collégialement « , insiste d’emblée Jacques Etienne, le bourgmestre CDH, entouré, lors du long entretien accordé au Vif/L’Express, de ses deux échevins, Anne Barzin (MR) et Arnaud Gavroy.

Et le bouillant échevin Ecolo de reprendre au vol :  » Le changement de cap est indispensable. L’attractivité de Namur ne repose pas uniquement sur sa position centrale, son caractère mi-urbain mi-rural, ses deux fleuves ou encore sa citadelle, mais aussi sur ses immenses réserves foncières. Tout le monde désirant une part du gâteau, il était grand temps de cadrer les choses pour que nos atouts puissent être préservés et pleinement exploités dans le souci du bien commun. « 

Penser et aménager Namur autrement… Slogan ou réalité ?

Au lieu de promouvoir le terme vague de  » développement durable « , les dirigeants locaux se fixent une balise : la ville ne doit plus se construire en extension territoriale de l’habitat et en augmentation de la pression foncière que cette extension sous-tend. Le slogan, pour les promoteurs privés encore intéressés : reconstruire la ville sur elle-même et soigner son aménagement.  » Pour cela, reprend très didactiquement Arnaud Gavroy, nous devons prendre en compte tous les paramètres et réfléchir la ville de A à Z. Une vraie ville durable est compacte, dense et mixte. Elle est à taille humaine, favorise le bien-être et garantit la cohésion sociale. « 

Si cette vision urbanistique semble avoir séduit la majorité communale, à quelques nuances près, la Namur nouvelle ne se fera pas en un jour, ni même en mille. Il aura déjà fallu trois années de législature pour identifier les problèmes, analyser et croiser les données afin de lancer de nouveaux schémas de structure qui devraient être au point d’ici à la fin de la législature. Un temps considérable que la majorité justifie par la nécessité de partir d’une page blanche,  » à défaut d’outil existant d’aménagement du territoire « , et celle de trouver un consensus au sein des trois composantes des conseillers communaux de la Ville.

Un train de limaçons

Un consensus que le bourgmestre Jacques Etienne répète avoir trouvé au sein du trois-mâts namurois (CDH – Ecolo – MR) concernant la globalité des projets, y compris les plus importants à réaliser d’ici à la fin de la législature en 2012, date à laquelle les Namurois devraient être en mesure de percevoir ce changement préparé de longue date. Un consensus qui, dans l’esprit, était déjà inscrit au c£ur de la déclaration de politique communale datant de mars 2007. Celui de la lutte contre les coûts environnementaux, économiques et sociaux des bâtiments mal isolés, de l’étalement urbain et du manque de mixité sociale et fonctionnelle des nouvelles zones en développement.

 » Le coût du mal développement devient insoutenable pour les finances publiques « , clame Arnaud Gavroy en prédisant que  » toutes les villes wallonnes vont être confrontées à ce problème « . Affirmant par là que les communautés urbaines qui ne prendront pas le créneau du durable sont vouées à disparaître.  » Nous n’ouvrirons par exemple plus de nouvelles voiries en dehors du périmètre d’agglomération. Nous ne voulons pas d’une politique à courte vue qui gaspille l’espace, abîme les paysages, grignote les terres agricoles, augmente les besoins de déplacements et multiplie les infrastructures à charge de la collectivité « , poursuit-il.

On l’aura compris, c’est la politique nommée du  » coup par coup  » par la majorité à propos des anciennes législatures Anselme et Close qui est ici pointée du doigt. De son côté, l’opposition PS accuse la majorité de privilégier les effets d’annonce aux réalisations et de lancer en pâture au public des projets qui  » soit n’existeront jamais, soit seront abandonnés, soit n’en finissent pas d’être à l’étude « .

Plus que trois ans pour convaincre

A cela, le Collège actuel se contente de répondre que  » la cohérence exige du temps « . Et que la forme a dû rejoindre le fond.  » Un euro investi à Namur rapportera bien davantage que beaucoup d’euros saupoudrés ailleurs en Wallonie, assène Arnaud Gavroy. Et nous avons l’obligation de convaincre la population du bien-fondé de notre politique. « 

Le service Aménagement du territoire est à ce titre devenu la porte d’entrée de tous les projets qui la concernent. Auparavant, tous les projets déposés étaient directement étudiés par les techniciens de l’urbanisme et transmis pour accord au Collège. Désormais, afin d’assurer une orientation claire des projets, ces derniers sont analysés selon une grille globale prenant en compte, en vrac : le niveau de densité démographique, la présence des équipements publics, l’implantation urbanistique, la mixité sociale, la qualité des espaces publics, la mobilité, le stationnement en voiries, le traitement des eaux de pluies et usées, l’environnement, les espaces verts, l’intégration paysagère, les matériaux ainsi que les préoccupations énergétiques.

Le travail est ainsi établi de concert avec les services concernés : l’urbanisme, la mobilité, l’infrastructure et le DEP (Environnement et Eco-conseil), les Affaires économiques et sociales, le service logement, le CPAS, ou encore les Finances et le Bureau d’études Bâtiments. Des architectes ont également été engagés. Ce n’est qu’au terme de toute cette analyse transversale qu’un avis  » Aménagement du territoire  » est rédigé à l’attention du Collège.

Fruits des longues réflexions en conclave du Collège tripartite, les projets fraîchement présentés pour les trois dernières années de législature s’affirment donc respectueux des principes clés d’un aménagement responsable : centralité, densité raisonnée et mixité sociale.  » Des projets qui ont aussi en commun la nécessité d’entrer dans le cadre budgétaire annuel fixé à 13,5 millions d’euros, somme représentant la masse empruntable admissible chaque année pour le budget extraordinaire de la Ville, à raison de 125 euros consentis par habitant, pour un total de 40,5 millions d’euros. A la condition préalable que les subventions demandées coïncident avec l’état actuel des finances publiques, et celui de la Région wallonne en particulier. Et là, l’actualité récente concernant la part de refinancement du Fédéral par les Régions pourrait être un frein.

Coudre et en découdre

Durabilité, cohérence et temps. Une valse à trois temps qui ne fait pas les affaires de tous les promoteurs privés. Début 2009, certains promoteurs namurois s’étaient plaints de voir leurs projets urbanistiques arbitrairement refusés par la Ville. Ils en imputaient la responsabilité à l’échevin Arnaud Gavroy, taxé d’immobilisme et rebaptisé  » Monsieur Non « . Ce dernier avait bien sûr botté en touche en taxant les projets recalés comme émanant de  » promoteurs qui n’avaient pas encore compris que la politique immobilière de Namur avait changé  » et en rétorquant que plusieurs projets cohérents avançaient bel et bien.  » Le jeu du Monopoly n’est plus à la mode à Namur « , ajoutait-il. Le bourgmestre était même venu à la rescousse en déclarant qu’il ne fallait pas se fixer sur un seul échevin.  » Chaque décision concernant l’octroi ou le refus d’un permis est une décision collégiale et Arnaud Gavroy porte notre déclaration de politique générale. « 

Pour se défendre et faire entendre leurs intérêts communs, certains promoteurs s’étaient alors constitués en association pour fonder la Fédération des entrepreneurs immobiliers namurois et faire pression de tous côtés pour provoquer une rencontre au sommet. Dont acte. Au terme de cette rencontre programmée en mars dernier, la décision fut prise d’examiner désormais les projets difficiles et épineux en  » intercabinet  » associant les différentes composantes politiques de la majorité. Une décision accueillie favorablement par les quatre promoteurs immobiliers présents. Quatre ? Les promoteurs mécontents auraient-ils fait croire qu’ils étaient plus nombreux qu’ils ne l’étaient en réalité ? Frédéric Laloux, chef de groupe PS, a son idée :  » Je ne le pense pas. Je crois plutôt qu’il y a pas mal de promoteurs qui n’osent rien dire de peur de représailles concernant le suivi ou non de leur dossier. « 

Il est clair que les promoteurs doivent désormais marquer leur projet d’une empreinte durable. Et durablement namuroise aussi.  » Namur a une architecture verticale, mais aucune ne brise et ne doit briser l’horizontalité des collines « , souligne l’échevin Ecolo. Des projets tels que celui de l’Orjo à Jambes ne sont donc pas près de revoir le jour. Sur l’avenue Prince de Liège, à l’entrée de la ville, dans une diversité chaotique de styles, de gabarits et de fonctions, cet immeuble de bureaux barre en effet l’horizon par son profil démesuré, plongeant par ailleurs dans l’ombre les propriétés voisines.

 » Nous avons repris les choses en main au niveau politique, répète une dernière fois Arnaud Gavroy, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris. Nous voulons que ce soit le politique qui domine l’économie et pas le contraire. Les promoteurs avec lesquels nous collaborons savent bien qu’à long terme les bâtiments les plus rentables sont ceux qui présentent un profil durable et énergétiquement performant. « 

Un dossier de Philippe Coulée, Anne-Catherine De Bast et Stephan Debusschere

 » Le jeu du Monopoly n’est plus à la mode à Namur « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire