Bruxelles, capitale de la danse

Le festival Balsa Marni présente la danse dans sa belle et unique diversité bruxelloise. Une fête à un art qui est loin de récolter les ors qu’il mérite. Rencontre avec son directeur, Christian Machiels.

Par rapport aux éditions passées, il y a une singularité plus forte dans les propositions faites, une plus grande cohérence aussi.

Ces derniers temps, j’entends beaucoup de questions autour de la norme en rapport avec le corps et la scène. Si je ne rentre pas dans les diktats imposés par la pub et la mode, ai-je ma place sur un plateau ? Cette année, cette question sur le corps et les normes est particulièrement présente, avec cette revendication :  » Acceptons les corps tels qu’ils sont, et revendiquons nos différences.  » Un mouvement qui se pose clairement contre l’uniformisation du monde. Comme le projet du Camerounais Ebalé Zam, L’Amitié, duo en noir et blanc. Comme Let’s pretend !, quatuor dirigé par la metteuse en scène Jasmina Douieb, qui réunit des corps fondamentalement différents. Comme la reprise de Quore, de Raffaella Giordano, avec tout son discours sur le corps et le corps vieillissant qui, dix ans après sa création, a pris encore plus de sens. Ou Pouliche, de Manon Oligny, autour d’une autre image de la femme, inspirée par les photos de Cindy Sherman…

En plus de dix ans de programmation, quel regard portez-vous sur l’évolution de la danse à Bruxelles ?

Plutôt positif. Même si les choses ne sont pas faciles, la plupart des chorégraphes qui étaient présents il y a dix ans sont toujours actifs aujourd’hui. Il y a beaucoup de nouveaux arrivés aussi. Cette faculté d’accueil qu’a Bruxelles est une chance incroyable. Une chance dont on ne se rend pas assez compte, du côté politique en tout cas. Rien qu’en prenant cette édition du festival, vous avez des artistes qui viennent de Corée, du Japon, du Cameroun, du Bénin, du Brésil… Et il ne s’agit pas du KunstenFestivaldesArts : ce ne sont pas des artistes qui viennent et repartent, mais qui habitent Bruxelles. Il y a une ouverture dans la danse qui me touche beaucoup. Quand j’observe la Belgique et ses petits problèmes communautaires ou, ailleurs en Europe, tous ces replis nationalistes, cet esprit d’ouverture de la danse est vraiment un ballon d’oxygène, quelque chose dont on peut être fier et qu’on devrait appuyer de toutes nos forces, humaines et financières. D’autant que ces confrontations culturelles possibles, qui sont vraiment propres à Bruxelles (par la taille de la ville et le nombre de chorégraphes et de nationalités qui s’y retrouvent), sont particulièrement riches d’un point de vue artistique, uniques même. Politiquement, il faudrait qu’on en prenne conscience.

A ce sujet, la Réunion des auteurs chorégraphes (Rac), Charleroi/Danses et des théâtres bruxellois, dont la Balsamine, ont envoyé une lettre commune à la ministre Fadila Laanan lui demandant un refinancement de la danse. Un exemple presque aberrant de cette nécessité : la somme 2007 des aides aux projets dans ce secteur est exactement la même qu’il y a 20 ans !

Oui, il y a vraiment urgence à refinancer ce secteur. Pour parler chiffres, en 2007, sur les 75,5 millions d’euros dévolus aux arts de la scène (ce qui ne représente que 1 % du budget global de la Communauté française), seuls 7 % sont allés à la danse. A côté de cela, le théâtre représente 45 % de l’enveloppe. Il y a là un déséquilibre flagrant. Nous voulons proposer à la ministre que la danse passe à 10 %, soit une augmentation de 2 millions d’euros, ce qui pourrait vraiment aider un secteur en expansion et qui en a cruellement besoin.

Danse Balsa Marni XII, du 4 au 21 juin, à La Balsamine, au Marni et au Senghor, à Bruxelles. Tél. : 02/735 64 68 ; www.balsamine.be.

Entretien : Olivier Hespel

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