Bonnes affaires sur le marché des appartements

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

En phase de rattrapage depuis le début de la décennie 2000, le marché immobilier carolorégien se reprend après le coup de mou de la crise. Mais certains segments gardent un genou à terre.

On ne peut parler immobilier à Charleroi sans évoquer la qualité du bâti et sa désuétude ainsi que les conditions sociales d’un centre-ville qui n’attire pas vraiment le chaland. Les autorités locales tentent désespérément de renflouer les habitations de la zone, mais cela reste compliqué.  » A Charleroi, tout est dans tout, le c£ur agréable de la ville est très limité. On n’est pas à Bruxelles ou à Liège, où on a vraiment un centre-ville. Charleroi ne séduit pas encore, il faut être carolo pour y habiter. Ou avoir des raisons impérieuses de s’y installer. Les commerçants ne vivent plus au-dessus de leur commerce, ils ont été remplacés par une tout autre population.  » Les mots du notaire Jean-Paul Rouvez prennent d’autant plus de sens que l’homme est né (et continue à vivre) dans son étude de l’avenue de Waterloo, à une époque où le centre-ville était à la fois plus attractif et plus peuplé. Mais s’il s’épanche volontiers sur la dégradation des conditions de vie dans l’espace urbain, le notaire garde de l’espoir :  » Ça va aller ; le Carolo est optimiste ! « 

Une raison de se réjouir, selon Jean-Paul Rouvez : les bons chiffres, dernièrement, des maisons de rangée, même si elles restent excessivement abordables dans le contexte national. Il n’est en effet pas rare de trouver des biens de ce type sous les 100 000 euros, un prix illusoire à Bruxelles par exemple.  » Les maisons d’habitation que l’on vendait 80 000 ou 90 000 euros à la sortie de la période difficile (2008 et 2009) s’écoulent aujourd’hui à 100 000 ou 110 000 euros. De ce point de vue-là, il semble que les maisons mitoyennes n’aient pas souffert du tout et qu’au contraire leur prix ait rebondi. Les loyers sont élevés, mais plafonnent : plutôt que d’injecter un loyer dans une maison, les gens préfèrent payer une mensualité à la banque et devenir propriétaires « , assure Jean-Paul Rouvez.

Des maisons autour de 100 000 euros

D’après les chiffres délivrés au début de l’année par le notariat de la région, un montant de 110 000 euros correspond à la moyenne des prix pour une maison jointive à Marcinelle. Pour avoir un garage et un jardin, il faut compter une vingtaine de milliers d’euros supplémentaires. Dans l’arrondissement de Charleroi, c’est le type de biens qui s’échange le plus.

Les propos du notaire Rouvez sont toutefois tempérés par le courtier Michel Geneau, patron de l’agence C21 Bureau Geneau. A la tête de l’un des bureaux immobiliers le plus prolifiques du pays en termes de volume de transactions, il se montre plus circonspect : les maisons jointives seraient plutôt stables, leurs prix ressemblant à ce qui se pratiquait par le passé. Le professionnel prend l’exemple d’une maison à Châtelineau, impeccable, trois chambres et un grenier aménageable : affichée à 125 000 euros, elle devrait partir entre 110 000 et 125 000 euros, pense Michel Greneau.  » Un bond de 90 000 à 110 000 euros pour les maisons mitoyennes… Ces affirmations me paraissent un brin enthousiastes… En revanche, il est vrai que le marché revient plus ou moins à son niveau d’avant la crise. En 2006-2007, on avait déjà connu une stabilisation. Puis il y a eu le coup dur de 2008-2009 où il a fallu batailler plus ferme pour vendre, notamment parce que les propriétaires ont longtemps pensé qu’ils pouvaient continuer à surfer sur la vague haussière dans leurs attentes. On reprend donc les standards d’il y a trois ans, mais sans hausse notoire. Depuis 2007, énormément de biens restent sur le marché, parce que les propriétaires en veulent souvent encore trop. Mais l’acheteur a le choix : avant 2007, pour une maison, on avait trois acheteurs. Aujourd’hui, on a un acheteur pour trois maisons. C’est l’acheteur qui a le pouvoir. « 

Parmi les tendances que le courtier pointe volontiers, la professionnalisation des candidats-acheteurs, toujours mieux informés, est importante. Une autre toucherait à l’un des nerfs de la guerre : renflouées à coups de subsides publiques pour qu’elles poursuivent leurs activités de prêts hypothécaires, les banques ne joueraient pas le jeu, malgré les annonces fracassantes du secteur dans la presse ( » Il ne faut pas confondre prêts et rachats de prêt « , lance Michel Geneau). Un son de cloche entendu un peu partout depuis le début de l’année, dans les communes modestes comme dans les plus huppées.

Si l’on se balade dans le centre de Charleroi, on sera frappé par l’abondance de maisons bourgeoises, reliquat d’un passé où les patrons d’usine y vivaient encore. Usées, vétustes, ces maisons n’auraient plus la cote en ce moment.  » Contrairement à ce que leur revenu cadastral en augmentation laisserait augurer, ces maisons se trouvent généralement dans un état peu attractif. Nombre d’entre elles ont été transformées en maisons de rapport. Curieusement, on a pu faire tout et n’importe quoi pendant trente ans, à ce niveau. Aujourd’hui, le balancier se trouve à l’extrême inverse : la chasse à l’infraction urbanistique est impitoyable. Je me demande d’ailleurs s’il était nécessaire d’y aller si brutalement « , soutient le notaire Jean-Paul Rouvez. Diviser les maisons pour en faire de multiples appartements : le phénomène est propre aux centres urbains paupérisés.

Le neuf à la peine

Au rayon des appartements toujours, le neuf peine à sortir de l’ornière. Profitant des excellentes conjonctures de la première moitié de la décennie 2000, les promoteurs (et toute personne qui possédait un terrain) ont multiplié des projets qui se sont retrouvés sur le marché en plein marasme. Pour certains, quelques années plus tard, il reste difficile d’écouler la marchandise.  » Le même phénomène s’est passé il y a quinze ans : on a construit énormément autour du parc Reine Astrid, et on s’est retrouvé avec trop d’appartements. C’est donc une manie : à un moment donné, on a trop d’offre au niveau des appartements neufs, ce qui est le cas aujourd’hui. L’immeuble en face du palais de justice en est la preuve « , poursuit le notaire Rouvez qui, cette fois-ci, rejoint pleinement l’opinion de Michel Geneau. Pour le courtier, le marché de l’appartement serait  » difficile « .

 » Les prix des appartements sont dérisoires. En  » seconde main  » comme dans le neuf. Je viens de vendre un appartement trois chambres, nickel, entièrement rénové, à 90 000 euros. Il y a des affaires à réaliser à Charleroi de ce point de vue ! Quant au neuf, c’est assez similaire : à Ransart, le promoteur avait annoncé des prix de l’ordre de 145 000 euros hors frais. Finalement, il n’a réussi à écouler ses biens que quand il a baissé son prix à 125 000 euros.  » D’après Michel Geneau, croire que les Bruxellois ou les Brabançons viendront tirer le marché carolo vers le haut est illusoire : s’ils viennent investir dans la ville, c’est justement pour faire des affaires. A cet égard, c’est en frontière de province que le marché serait le plus florissant.  » Nous avons vendu récemment une villa à Villers-Terwin pour 275 000 euros. Si elle avait été située dans les environs de Charleroi, le propriétaire en aurait eu 50 000 de moins. Chez nous, les acheteurs venus d’ailleurs peuvent trouver des villas à 200 000 ou 250 000 euros, alors qu’ils les paieraient 400 000 euros à Bruxelles ou dans le Brabant wallon « , explique encore Michel Geneau. Le temps des éclaircies franches n’est pas encore de rigueur, dans le marché carolo…

GUY VERSTRAETEN

 » Curieusement, on a pu faire tout et n’importe quoi pendant trente ans. Aujourd’hui, la chasse à l’infraction urbanistique est impitoyable « 

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