Bertrand Chamayou, le piano dans la peau

Barbara Witkowska Journaliste

Son enregistrement de l’intégrale des Années de pèlerinage de Franz Liszt est un événement. Le jeune Toulousain fera sensation à Bruxelles avec le Concerto pour la main gauche de Ravel.

On écoute ces trois CD sur un petit nuage. Depuis très longtemps, aucun pianiste ne nous avait proposé un tel voyage dans l’univers lisztien. Tantôt incisif et fiévreux, tantôt  » aqueux  » et suave, Bertrand Chamayou excelle dans ce jeu de piste.

Les Années de pèlerinage ? C’est  » le voyage d’amants interdits en fuite « . En 1833, Liszt a 22 ans, vit à Paris et y rencontre Marie de Flavigny, épouse du comte d’Agoult. Coup de foudre immédiat et scandale immense. La comtesse quitte mari et enfants et les amants s’enfuient en Suisse, puis en Italie. Ils auront trois enfants (dont Cosima, future Madame Wagner). Durant l’exil, Liszt écrira les deux premières parties des Années de pèlerinage, les reprendra des années plus tard et écrira la troisième partie à la fin de sa vie.  » En 2011, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, je me suis lancé un grand challenge et j’ai décidé de m’attaquer au disque de cette grande somme de l’£uvre lisztienne qui a demandé une gestation longue et lente, explique le pianiste. C’est un album de voyageur. On n’est pas dans le monde de la musique pure, mais dans un mélange d’impressions de voyages, de sensations de paysages et de lectures. On a l’impression de parcourir la vie de cet homme, l’une des vies les plus incroyables de tout le XIXe siècle. On ressent l’évolution du personnage. Terrestre et charnelle au début, la personnalité de Liszt devient, au fil du temps, plus céleste et, à la fin, funèbre. C’est la fin qui m’émeut le plus. Je me sens le plus à l’aise dans cette quête spirituelle, un dénouement qui fait décoller l’interprète.  »

Franz Liszt est le porte-bonheur de Bertrand Chamayou. Il s’est fait remarquer à 20 ans avec un récital Liszt. Il a gagné ses premiers galons à 25 ans, avec les douze Etudes d’exécution transcendante, de Liszt toujours. Et avant ?  » Mon oncle a décelé chez moi une oreille musicale quand j’avais 3 ans, mais cela ne m’intéressait pas. Quatre ans plus tard, un copain avec qui je jouais au tennis m’a entraîné à suivre des cours de piano et là, j’ai vraiment accroché.  »

Un cursus brillant au Conservatoire de Paris lui ouvre les portes des salles de concerts les plus prestigieuses. Le jeune pianiste est pris dans l’engrenage des récitals et met un peu de côté la composition.  » Petit, j’étais plus passionné par la composition et je crois que j’étais doué pour ça. A 10 ans, j’ai composé ma première pièce qui, bien entendu, n’a jamais été créée. Mon but à long terme est de faire moins de concerts et de me consacrer à la composition. L’opportunité ne s’est pas encore présentée. « 

Lauréat de plusieurs concours prestigieux (dont trois Victoires de la musique classique), il n’a jamais relevé le défi, curieusement, de se présenter au concours Reine Elisabeth. Dans une semaine, il jouera à Bruxelles le Concerto pour piano et orchestre,  » pour la main gauche « , dédié par Ravel au pianiste manchot Paul Wittgenstein. Très particulier, ce concerto joué à une seule main mais donnant l’impression d’être joué à deux, est l’un des plus rythmés et plus énergétiques. Des étincelles en perspective !

Jeudi 22 mars, 20 heures, Palais des Beaux-Arts, www.bozar.be.

BARBARA WITKOWSKA

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