Silvio Berlusconi
Silvio Berlusconi © AFP

Berlusconi, Lula, Netanyahou, ou le retour des dinosaures

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Qu’importe l’âge, les ennuis de santé et les scandales, ils repartent à la conquête du pouvoir. Qu’est-ce qui fait courir Berlusconi, Lula et Netanyahou, ces vétérans bien décidés à rebondir à la faveur des urnes?

La retraite, très peu pour eux! Trois grandes figures internationales – une européenne, une latino-américaine et une proche- orientale – sont en passe de faire un retour retentissant sur la scène politique de leur pays. A près de 86 ans (le 29 septembre), Silvio Berlusconi, trois fois président du Conseil entre 1994 et 2011 et patron d’un vaste empire médiatique, se présente aux élections législatives anticipées du 25 septembre. Le leader incontesté de la droite italienne a l’intention d’entreprendre un énième tour de piste, en dépit d’une santé fragile et d’interminables déboires judiciaires.

L’homme d’affaires et d’Etat a réussi à se remettre en selle après la démission du Premier ministre Mario Draghi, qu’il a contribué à destituer, fin juillet dernier, en lui retirant son soutien. Forza Italia, le parti de Berlusconi, fait partie de la coalition dominée par Fratelli d’Italia, la formation postfasciste de Giorgia Meloni, dont fait aussi partie la Ligue du populiste antimigrants Matteo Salvini. En cas de victoire de cette alliance, favorite du scrutin, le vieux requin pourrait hériter du perchoir du Sénat. Le poste lui aurait été promis par ses alliés d’extrême droite en échange de sa «trahison» (le lâchage de «Super Mario»). L’ occuper scellerait sa revanche sur une assemblée qui l’avait exclu en novembre 2013, à la suite de sa condamnation définitive pour fraude fiscale dans l’affaire Mediaset.

Ces vétérans, fins stratèges habitués au louvoiement et aux alliances politiques contre nature, sont de retour.

L’insubmersible

Réhabilité en mai 2018 par un tribunal de Milan, «Sua Emittenza» (son surnom, mélange d’éminence et d’émetteur) est redevenu éligible. Il a fait, en juillet 2019, un retour remarqué au Parlement européen, près de vingt ans après y avoir laissé son siège. Entre-temps, en 2015, il a été acquitté dans l’affaire du «Rubygate». Il était notamment accusé d’avoir rémunéré les prestations sexuelles d’une mineure. Pour autant, il reste soupçonné par la justice d’avoir acheté le silence des «papi girls», ces jeunes participantes aux soirées «bunga-bunga» organisées en 2010 dans sa villa d’ Arcore, près de Milan.

Aux déballages sur les frasques de Berlusconi se sont ajoutés les résultats électoraux mitigés de Forza Italia, sur fond de divisions internes, et, en juin 2016, une opération à cœur ouvert à la suite d’une crise cardiaque. En 2018 sortait Silvio et les autres (Loro, en version originale), biopic dans lequel Paolo Sorrentino brosse un portrait acide d’un Berlusconi vieillissant, qui ne séduit plus. Des médias l’ont surnommé «la momie», à cause de son épaisse couche de fond de teint et de son recours intensif à la chirurgie esthétique. En 2021, il a été hospitalisé à plusieurs reprises à la suite d’un Covid long contracté l’année précédente. Personnage très controversé en Italie, le milliardaire – sa fortune atteindrait les sept milliards d’euros – est le pionnier incontesté du populisme de gouvernement, phénomène qui, bien avant le trumpisme, a changé tous les codes de la politique.

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Le phénix brésilien

A bientôt 77 ans (le 27 octobre), Luiz Inácio Lula da Silva, qui a présidé le Brésil de 2003 à 2010, est, lui aussi, un revenant. L’icône de la gauche brésilienne s’est lancée dans la bataille présidentielle pour en découdre avec le chef de l’Etat sortant, le populiste d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui s’est notamment distingué par sa gestion irresponsable du Covid. Soutenu par une coalition de dix partis allant de l’extrême gauche au centre-droit, Lula est largement en tête dans les intentions de vote pour le scrutin du 2 octobre. La gauche s’interroge néanmoins sur les intentions de Bolsonaro: ancien parachutiste de l’armée, le «Trump des tropiques» a des appuis militaires, exalte la violence et pourrait être tenté par un putsch.

Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, Lula a tout vécu, le meilleur et le pire. Fondateur du Parti des travailleurs, il a mis en place, pendant sa présidence, un programme de réduction de la pauvreté. Il a quitté ses fonctions avec une cote de popularité de 80%, ce qui a fait dire à Barack Obama qu’il était «le politicien le plus populaire au monde». Atteint par un cancer du larynx, le tribun charismatique subit une chimiothérapie entre 2011 et 2012. En 2017, son épouse, Marisa Letícia Rocco, décède à la suite d’un AVC. Deux ans plus tard, Lula est condamné à près de treize ans de prison pour corruption et blanchiment d’argent dans le cadre du plus grand scandale politico-financier de l’histoire du pays, l’affaire «Lava Jato» (car wash). Il reste 580 jours derrière les barreaux, jusqu’au 8 novembre 2019. La justice a annulé ses deux condamnations pour vice de forme, ce qui a ouvert la voie au retour en politique du phénix brésilien.

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«Bibi» come-back

A presque 73 ans (le 21 octobre), Benyamin Netanyahou, chef de l’opposition israélienne, a remporté, en août, les primaires au sein du Likoud, le parti national- conservateur. Les législatives anticipées du 1er novembre, les cinquièmes en moins de quatre ans, propulseront probablement à nouveau au pouvoir celui que ses partisans surnomment «Bibi». Une reconquête accompagnée de la publication, en hébreu et en anglais, d’une autobiographie, Bibi, my story, dont la sortie est prévue le 22 novembre.

La matière ne manque pas: d’abord diplomate puis ministre, Netanyahou est devenu Premier ministre pour la première fois en 1996, après avoir battu le travailliste sortant Shimon Peres. Il a été, à ce jour, sept fois chef du gouvernement, de 1996 à 1999, puis de 2009 à 2021. Après son inculpation, en novembre 2019, pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires différentes, la plupart des commentateurs s’attendaient à ce qu’il jette l’éponge et annonce la fin de sa carrière politique. Lors de la formation, le 13 juin 2021, du gouvernement Naftali Bennett-Yaïr Lapid, la presse israélienne et étrangère a titré: «La fin de l’ère Netanyahou». Ce n’était que le début d’une parenthèse. Ni les casseroles judiciaires ni une année de traversée du désert n’ont affecté le leadership du maître de la survie politique.

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Berlusconi, Lula et Netanyahou semblaient à bout de souffle. Mais ces vétérans, fins stratèges habitués au louvoiement et aux alliances politiques contre nature, sont de retour. Malgré l’âge, les ennuis de santé et les scandales qui ont terni leurs parcours.

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