Belgacom joue son avenir en Bourse

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Le 22 mars prochain, l’action BELG fera son entrée sur Euronext Bruxelles. L’ex-RTT ne manque pas d’atouts pour séduire les investisseurs. Mais la concurrence féroce en matière de télécoms et la taille modeste de Belgacom sur le plan international ne lui peignent pas un horizon bleu azur. Loin s’en faut !

Didier Bellens, l’actuel patron de Belgacom, ne semble pas avoir l’habitude de vendre un chat dans un sac. C’est, du moins, l’impression qui ressort de la lecture des 260 pages du prospectus d’introduction en Bourse de l’opérateur belge. Jouant cartes sur table, le chapitre consacré aux  » risques liés aux activités du groupe  » prévient les candidats investisseurs :  » Les revenus d’exploitation et le bénéfice net de Belgacom peuvent diminuer si la croissance du marché belge des télécommunications ralentit.  »

Or, et ce n’est un secret pour personne, Belgacom était, jusqu’à peu, en situation de monopole dans tous ses secteurs d’activités. Résultat : autant dans la téléphonie fixe que mobile, l’opérateur possède des taux de pénétration élevés qui lui laissent peu de marge de man£uvre pour accroître son portefeuille de clients. Avec la libéralisation du marché des télécoms, c’est même l’inverse qui se produit. Que ce soit dans le mobile ou dans la téléphonie fixe, les nouveaux venus commencent à rafler des parts de marchés significatives à l’opérateur historique. Sans parler de l’évolution naturelle du marché qui, pour la communication vocale, déserte progressivement la téléphonie fixe au profit du GSM. Ainsi, en Belgique, de 10 206 millions de minutes de trafic enregistrées sur lignes fixes dans le marché résidentiel en 2001, on est tombé à 7 914 millions de minutes en 2003. La diminution touche également le secteur professionnel. On peut penser que le trafic sur ligne fixe se reporte naturellement sur la téléphonie mobile. C’est en partie vrai. Mais, là encore, Belgacom ne récupère pas vraiment d’un côté ce qu’il perd de l’autre. Si le nombre de ses clients GSM a augmenté, cette augmentation s’est surtout produite dans les cartes prépayées. Au niveau des abonnements, on note plutôt un tassement, voire une légère diminution depuis deux ans. Or, outre qu’il fidélise le client, l’abonnement a l’avantage d’être un peu plus rentable que le prepaid. Pour augmenter la synergie avec son opérateur mobile, Belgacom pourrait tenter un rapprochement avec celui-ci. Il n’est cependant pas certain que Vodafone (qui détient 25 % du capital de Proximus) voie ce regroupement d’un bon £il. L’opérateur britannique n’est lui, en effet, actif que dans la seule téléphonie mobile. Coincé dans un marché belge à faible progression (l’ère des fortes croissances est définitivement révolue), Belgacom ne peut pas envisager de débouchés immédiats hors de nos frontières. Incontournable en Belgique, l’ex-RTT a raté plusieurs fois son entrée sur la scène européenne.

A bien y regarder, les chiffres vont décidément à l’encontre des objectifs stratégiques annoncés par la société :  » Maintenir sa position de leader rentable sur le marché des services de communications à lignes fixe et mobile…  »

Dans de telles conditions, on peut se demander si le moment est idéal pour une introduction en Bourse. En réalité, la question est de pure forme, Belgacom n’a pas le choix. La société entre en Bourse à la demande de son actionnaire minoritaire ADSB ( lire encadré). Sous la pression de l’américain SBC (35 % de Belgacom), ADSB souhaite se désengager de l’entreprise belge. SBC a, en effet, besoin de rentrer des capitaux pour développer son réseau SDSL (Symmetric Digital Subscriber Line) aux Etats-Unis. Comme l’expliquait Bellens, en août dernier,  » puisque les actionnaires minoritaires de Belgacom veulent se désengager, il n’existe que 3 solutions. Soit l’Etat porte sa participation à 100 %, ce qui est peu probable, soit rien ne change, ce qui ne serait pas idéal, soit nous entrons en Bourse. Cela me semble la solution la plus facile.  »

Dans un marché des télécoms sérieusement malmené ces dernières années, l’entreprise belge possède, heureusement, quelques atouts pour réussir son entrée en Bourse. Les plus importants sont, sans conteste, une situation financière enviable et une belle avancée technique dans le domaine de l’Internet à grande vitesse. Conscient du succès phénoménal de l’ADSL (Asymmetrical Digital Subscriber Line), Bellens annonçait d’ailleurs en juin dernier son ambitieux plan Broadway. Dans les trois prochaines années, Belgacom investira 300 millions d’euros pour déployer sur le territoire belge la technologie VDSL (Very-High-Data-Rate Digital Subscriber Line). Beaucoup plus rapides que l’ADSL, les performances du VDSL pourraient favoriser l’émergence de nouveaux services comme la vidéophonie ou la télévision à la demande. Selon le prospectus d’entrée en Bourse, la société ne s’attend cependant pas à enregistrer des revenus significatifs de ces services avant 2007… Sans compter, comme l’affirment certains spécialistes du secteur, que l’on n’est pas encore certain de la rentabilité du VDSL.

En attendant, s’il ne veut pas pratiquer de sérieuses coupes dans ses coûts de fonctionnement, l’opérateur devra trouver de nouveaux moteurs pour assurer sa croissance future. Pour ce faire, Bellens devra probablement envisager de positionner rapidement son entreprise sur le plan international et compter sur le travail acharné de ses troupes. Qu’il devra remotiver… ! Au dire de plusieurs travailleurs, depuis le licenciement de nombreux cadres, l’ambiance est plutôt détestable. Tout le monde a peur et plus personne n’ose prendre d’initiative. Dans les cadres remerciés ou qui ont quitté le navire (la concurrence se vante de recevoir quotidiennement plusieurs CV d’employés de Belgacom), nombreux étaient ceux qui avaient une réelle compétence dans les télécoms. A l’heure actuelle, ils n’ont toujours pas été remplacés. Dans ces conditions et après une longue période d’inertie (depuis six mois, toute l’attention de Belgacom s’est portée sur son entrée en Bourse), Bellens parviendra-t-il à remettre rapidement ses équipes en route ? l

Vincent Genot

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