Barcelone : toros, no !

En prônant l’arrêt de la corrida, ce symbole si espagnol, la ville cède-t-elle au catalanisme ou à une tendance de fond ?

Le conseil municipal de Barcelone s’est prononcé en faveur de l’interdiction des spectacles taurins, à 21 voix contre 15 (et 2 votes blancs). L’annonce a pris le monde taurin espagnol de court, en ce début de saison. D’autant que la ville abrite  » la Monumental « , arène parmi les plus prestigieuses du pays. La région de Catalogne, qui, seule, pourrait légiférer, a signalé qu’elle allait réfléchir à la question. Le coup est dur pour un négoce qui brasse plus de 1,5 milliard d’euros annuels et fournit quelque 76 000 emplois, selon les associations professionnelles.

Le  » non aux toros  » de Barcelone, à bulletins secrets mais appuyé par les nationalistes et les écologistes, ravit l’Association de défense des droits des animaux (Adda). L’approche de l’inauguration du Forum 2004, une immense manifestation culturelle qui, pendant six mois, va faire vibrer la ville autour du thème de la paix, a été l’occasion de porter l’estocade, explique sa présidente, Carmen Mendez :  » Comment parler de paix et de respect des droits de l’homme quand se déroule à deux pas un spectacle barbare et avilissant pour la dignité humaine ?  »

L’affrontement entre aficionados et anticorridas se réduit d’habitude à quelques escarmouches au début des ferias. La  » cruauté  » de la corrida n’est sans doute qu’un prétexte. Le maire de Barcelone, le socialiste Joan Clos, se refuse à politiser le sujet. Mais nombreux sont ceux qui voient là la volonté des nationalistes catalans de planter leurs banderilles et d’effacer ce signe d’  » espagnolisme « .  » Pourquoi ne pas interdire ensuite la paella, la sangria et le flamenco ?  » ironise l’éditorialiste Antonio Burgos dans El Mundo. D’autres appellent Picasso, Goya ou Federico Garcia Lorca à la rescousse pour défendre  » le seul rite païen occidental qui ne se soit pas converti en folklore « , selon l’expression de l’acteur-réalisateur Albert Boadella. Alors qu’au Japon ou aux Etats-Unis la mode est aux  » versions adaptées  » de la corrida, sans mise à mort, en Espagne, l’indifférence gagne : selon un récent sondage Gallup, seuls 10,4 % des Espagnols se déclaraient  » très intéressés  » par les courses de toros, 20,6 % étant  » un peu intéressés  » et 68,8 %  » pas du tout « . l

Cécile Thibaud

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