Chez Christine Nicaise, la matière se patine «jusqu’à la matité». © DR

Ataraxia

Le Vif

On ne sait si c’est Christine Nicaise qui place son œuvre sous le haut patronage du compositeur Arvo Pärt ou si quelqu’un s’est chargé de le faire pour elle. Toujours est-il que la référence s’impose, elle enrichit la contemplation. Pourquoi? Il convient d’abord de dire ce que l’on voit. Réponse: un matiérisme immersif renvoyant à quelque chose de plus grand que lui-même. Comme il est expliqué dans le texte qui accompagne le travail, il s’agit ici de «vibrations bleutées et blanches crayeuses sur des fonds qui se noient dans un volume sans limite». Un effet obtenu par une artiste travaillée par la question de la temporalité, qui s’applique à diluer les couches et les frotter jusqu’à la transparence. Conséquence directe de ce traitement, la couleur se retire sur la pointe des pieds tandis que la matière se patine «jusqu’à la matité».

Au bout du compte? Un rendu sobre et minimal qui absorbe toute trace de pinceau. Par conséquent, les toiles sont traversées par une tension palpable entre matière et esprit. Qui d’autre qu’ Arvo Pärt – qui s’est attiré les foudres de Moscou en 1968 avec Credo, un hymne religieux joué devant un parterre d’officiels gavés de soviétisme – pour donner la tonalité d’un tel déchirement? On songe à une pièce en particulier, Fratres, la version de Gidon Kremer et Keith Jarrett, en guise d’accord majeur à faire résonner en soi. La structure du morceau épouse à merveille les tableaux sans châssis. Soit un accord de trois notes qui pivote sur lui-même, une ligne mélodique se déplaçant de manière linéaire et progressive, ainsi qu’un silence palpable dont le volume dessine une quiétude – notion à laquelle renvoie le titre Ataraxia – pour le regardeur happé par ces profondes surfaces.

A la galerie Zedes, jusqu’au 8 octobre.

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