Apnée consumériste

LE MOIS DE JUILLET RIME AVEC DÉPARTS EN VACANCES mais, pour bon nombre de consommateurs, il rime surtout avec la magie des soldes. Contrairement au carême catholique ou au ramadan, tous deux synonymes de jeûne et de privations pour le croyant, le consommateur pratiquant a jusqu’au 31 juillet pour jouir des démarques et dépenser sans trop compter.

Certes, la crise est là, mais tandis que l’ouverture tant attendue du premier Starbucks dans le centre de Bruxelles rappelait sous certains aspects l’inauguration de la première enseigne McDonald’s à Moscou en 1990, il est fort à parier que les commerces miseront une nouvelle fois sur cette soif inétanchable de consommer en ch£ur.

Comment expliquer cet engouement ? Pour les commerces, il s’agit avant tout de réenchanter la trivialité des invendus. La notion de  » liquidation  » n’étant guère féerique, les chaînes de magasins ont peu à peu misé sur un emballage davantage festif et stimulant laissant désormais derrière elles l’idée d’un déstockage honteux. Bien qu’il soit avant tout question de faire place aux nouvelles collections, les soldes sont tout à la gloire de l’éphémère remplaçable : le triomphe du low cost sur la rareté.

A travers une communication de type euphorisante, les soldes instaurent un climat de permissivité, de contournement des règles usuelles. D’une part, dans la relation entre consommateurs et commerçants, qui deviennent, le temps de ces lupercales consuméristes, les complices bienveillants de la frénésie des acheteurs. D’autre part, dans l’ouverture de nombreuses enseignes le dimanche – un dimanche qui, en société de consommation, représente d’ordinaire un  » non-jour « , le moment d’une désimmersion forcée pour des consommateurs déracinés, privés de leur raison d’être.

Aussi, tout nous prédestine à prendre part à ce  » carême consumériste « . Les dispositifs d’immersion propres aux soldes amènent l’acheteur à se sentir totalement libre d’incarner son rôle, sans entrave dominicale. Et chose plus précieuse, à l’heure où, comme le note l’essayiste américain Jeremy Rifkin (*) , la sphère marchande demeure le principal médiateur de toute expérience humaine, les soldes offrent du liant social aux consommateurs : une communion par l’achat. l

(*) Jeremy Rifkin, L’Age de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme.

La Découverte, Paris, 2000.

Nicolas Baygert

Les soldes offrent du liant social aux consommateurs : une communion par l’achat

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