Amos Oz : la Paix hier

Il évoque la périlleuse reconstruction d’Israël, son pays. Une relecture emplie de grâce

Une histoire d’amour et de ténèbres, par Amos Oz. Trad. de l’hébreu par Sylvie Cohen. Gallimard, 545 p.

Dans sa thébaïde d’Arad, aux confins du désert du Néguev, un écrivain rêve et médite. C’est le magicien Oz, qui danse sur la proue d’une £uvre éblouissante, légère comme une cantate, toute vibrante des sagesses enfouies dans les sables. Lire Amos Oz, c’est faire provision de sacré, car ce prophète égaré dans une époque maudite ne cesse de labourer la mémoire de sa terre natale, pour en exhumer les racines spirituelles et émotionnelles. Une terre bien différente de la Jérusalem où il vit le jour en 1939.  » A l’époque, se souvient-il, la ville était une fragile mosaïque de cultures. Elles éveillèrent en moi cette curiosité de l’autre qui m’anime depuis mon enfance.  »

Mais dans le destin d’Amos Oz, il y a également les kibboutz û où il partit travailler à 17 ans û et ce goût de la fraternité qui le poussera à devenir le chef de file de l’intelligentsia de son pays : en Israël, le fondateur du mouvement La Paix maintenant est une autorité morale, et il milite farouchement contre la guerre.  » Vous n’avez pas à choisir entre être propalestinien ou pro-israélien, vous devez être pro-paix « , écrit-il dans Aidez-nous à divorcer !, un court essai qui vient de paraître chez Gallimard.

En même temps, Amos Oz publie un magnifique récit autobiographique, Une histoire d’amour et de ténèbres. Cette histoire-là, c’est celle de la périlleuse construction de sa patrie. C’est également celle de la diaspora juive et celle de sa mère, qui s’est suicidée quand il était encore adolescent. Sa disparition hante ces pages bouleversantes, où se conjuguent la destinée d’un peuple et les blessures d’un homme. Mais il y a aussi, enluminée de nostalgie et de chimères, toute l’enfance de l’écrivain, les soldats de plomb et les albums de timbres, la Jérusalem d’après-guerre, les grands-parents fantasques chassés de Russie, la mélancolie d’une mère réfugiée dans les livres de Tourgueniev et la chaude présence d’un père polyglotte qui lui apprit à devenir  » un enfant des mots « . Jamais l’auteur de La Boîte noire n’a été si proche de ses secrets intimes. Mais sa confession se mêle à toutes les voix d’Israël, au fil d’un récit tchékhovien qui, à la déraison de l’Histoire, oppose les utopies du rêve et la tendre musique d’un c£ur battant. Cela s’appelle la grâce.

André Clavel

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