10. Walliwood ou retour vers le futur
Le cinéma wallon a fini par séduire un plus large public. L’ambition de Philippe Reynaert, le patron de Wallimage, est devenue réalité.
Les frères Dardenne, Lucas Belvaux, Bouli Lanners, Olivier Masset-Depasse et les autres, leurs complices bruxellois à la Jaco Van Dormael ou Joachim Lafosse, en étaient les plus illustres exemples dans les années 2010 : le cinéma belge francophone avait la vigueur bien chevillée au corps.
En dirigeant Wallimage, fonds d’investissement destiné à la promotion de l’audiovisuel régional, Philippe Reynaert, en 2011, se voulait aussi prospectif. » Je fonde évidemment beaucoup d’espoir sur notre cinéma, en croissance exceptionnelle depuis dix ans, époque où c’était le désert au niveau des équipements technologiques. Ce qui nous a finalement servis, puisqu’on est passé directement du bricolage aux équipements de demain, en nous lançant dans le tout-numérique. » Avec des cinéastes comme Ben Stassen, la Wallonie avait du reste de quoi lever le menton bien haut dans le domaine de l’animation 3D et du dessin animé : » Dans quinze ans, on aura peut-être l’oscar de la meilleure holographie en 3D sur téléphone, va savoir ! Stassen, l’un des tout meilleurs réalisateurs d’images en relief au monde, ne fait que confirmer tout le talent recensé en Wallonie, région qui a dégusté pendant très longtemps avant d’entrer dans une phase de redécouverte de soi, de la fierté de soi « , poursuivait alors le boss de Wallimage. Il ne croyait pas si bien dire… Mais Philippe Reynaert développait aussi au début des années 2010 la vision d’un cinéma belge francophone davantage ouvert aux films grand public. » Le cinéma de recherche, florissant chez nous, et le cinéma de masse doivent se nourrir l’un l’autre, l’expressionnisme allemand n’a été possible que parce qu’il existait un cinéma commercial. Nous manquons de star- système, du pendant francophone des BV de Flandre : leurs acteurs de feuilletons, véritables stars, drainent automatiquement un paquet d’entrées quand ils jouent dans un film. Chez nous, Olivier Gourmet, parfois considéré à l’étranger comme le meilleur acteur européen, n’a pas cette notoriété. «
Comme on fait du piano
Bien loin des considérations de business, Jaco Van Dormael, Bruxellois de naissance, voyait plutôt le renouveau du cinéma passer par l’inattendu, par des expérimentateurs, par des formes que l’industrie cinématographique n’aurait pas senties débarquer. » Le cinéma n’est pas mort, il en est à ses débuts. Il y aura toujours un cinéma industriel vendeur de pop-corn mais, de plus en plus, le public va s’approprier le langage cinématographique. L’accessibilité et la qualité des outils en seront les véhicules : on pourra faire un film comme on fait un disque chez soi. Puis pourquoi pas venir le projeter avec sa puce dans une salle numérique, puisqu’elles sont amenées à le devenir toutes ? Il ne faudra plus de coûteuses copies « , anticipait l’un des metteurs en scène les plus créatifs et singuliers de notre paysage audiovisuel de l’époque. Après l’expérience Mr. Nobody, Jaco Van Dormael était à la recherche de légèreté et de souplesse techniques, lui qui aurait aimé » faire un film comme on fait du piano ou de la peinture » et qui avait déjà » deux ou trois amis qui tournaient seuls, avec deux comédiens, pour créer des films ou des ébauches de film « .
GUY VERSTRAETEN
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici