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Ann-Laure Furnelle, la nettoyeuse de rivières 

Le Vif

« Rendre visible, ce qui est invisible ». Ann-Laure Furnelle, à l’aide de son asbl Aer Aqua Terra, dédie son quotidien au nettoyage des lits des rivières. Avec son compagnon, Marc Verheyden, et 3 ouvriers, elle parcourt les différents cours d’eau du Brabant wallon à la recherche de déchets. Portrait d’une femme au projet titanesque.

Un tonne ! Tel est le poids des déchets retrouvés par l’asbl Aer Aqua Terra dans la Dyle, au niveau de Genappe. Un volume énorme, en seulement six jours de travail. Ann-Laure Furnelle, l’initiatrice et la co-fondatrice de l’asbl, se donne pour mission de « rendre visible, ce qui est invisible ». Chaque jour de la semaine, l’équipe démonte « un épais matelas de déchets accumulés dans les lits des rivières au fil des décennies ».

Le déclic 

En 2012, Ann-Laure Furnelle regarde le documentaire «  La malédiction du plastique ». Un déclic. « Dès le lendemain, je décide de me promener le long des routes pour y ramasser des déchets », raconte-t-elle. Lors d’une intervention, elle voit « un arbre tomber en travers d’une rivière. Il ne permettait plus à l’eau de s’écouler. Résultat: une nappe de déchets se formait. Choquée, j’ai fait des photos, et les ai envoyées à la commune ». Cet épisode marque le début de son engagement pour restaurer la santé des cours d’eau. Un peu plus tard, Marc Verheyden, son conjoint, décide de la rejoindre. Chaussé de bottes en caoutchouc et armé d’un crochet pour gratter les lits des cours d’eau, le couple décide d’arpenter les rivières, tous les jours de la semaine.

Le travail est tellement colossal que leurs quatre bras ne suffisent plus. Grâce à la « tchatche » d’Ann-Laure Furnelle, des bénévoles se greffent à leur action. « Un jour, en faisant mon jogging le long de la Dyle, je vois deux personnes dans la rivière qui sont en train de la nettoyer. La dame (Ann-Laure Furnelle) m’interpelle, m’explique ce qu’elle fait et me propose de les rejoindre. Ça n’a fait qu’un tour dans ma tête, et j’ai dit : pourquoi pas ! », raconte Benedicte Hellepute. « Pour prendre conscience du travail qu’on réalise, de son importance, et des dommages causés aux rivières, il faut mouiller la chemise », comme le recommande la co-administratrice d’Aer Aqua Terra.

Aer Aqua Terra

« On n’a jamais cru que ça allait évoluer comme ça »

En 2014, Ann-Laure Furnelle et Marc Verheyden rencontrent Isabelle Delgoffe, chargée de mission pour le contrat de rivière Dyle-Gette. L’idée de créer une asbl germe. « Ann-Laure Furnelle est quelqu’un de génial et motivée. Elle est dans les cours d’eau du matin au soir. Je ne connais personne qui fait ce qu’elle fait. On ne peut qu’être respectueux de leur travail. On se devait de les aider », déclare la chargée de mission.

Un nouveau chapitre s’ouvre. Grâce à des subsides et des partenariats, ils embauchent trois personnes, dont Benedicte Hellepute, ouvrière de l’asbl Aer Aqua Terra. Néanmoins, « il manque encore trop de gens pour réparer les dégâts », alarme Ann-Laure Furnelle. Pour pallier ce manque, l’asbl accueille le temps d’une journée des entreprises pour des teambuildings. Mais aussi, « des groupes, des maisons de jeunes, des scouts… ». Elle propose également des activités pédagogiques et de sensibilisation. « On accueille des classes ou des écoles. Soit ils sont assez grands et viennent dans l’eau avec nous, soit ils sont plus petits, et on les reçoit sur la bâche où les déchets sont disposés pour sécher. On leur explique tout ce que l’on fait. Mais aussi on leur raconte l’historique de leur gestion ».

« Au tout début, on venait dans les communes avec notre remorque pour montrer les déchets retrouvés, et présenter nos actions. C’était une opération de “séduction”. » Sui semble avoir fonctionné. « Quand on a vu le travail qu’ils faisaient, on a été surpris par le volume des déchets qui ressortait nos cours d’eau. Ann-Laure Furnelle nous a appris à regarder la rivière différemment. On s’est dit que c’était une bonne chose pour notre commune de les soutenir », explique Benoît Huts, Échevin de l’environnement de la ville de Genappe.

Un temps d’adaptation

Au début, les gens étaient sceptiques. Certains ne comprenaient pas leur démarche, d’autres pensaient qu’ils perdaient leur temps. « Nous avons eu de grands moments de solitude. Heureusement, Marc est quelqu’un de solide. Dès le début, il était convaincu de l’importance de notre action ». Quant à ses proches, ils étaient perplexes. « Ça a dérangé ma famille que je ne parle plus que de ça, et ne me focalise que sur mon activité. Et en même temps, c’est grâce à ça que j’ai pu arriver avec Marc là où on est maintenant. »

Aer Aqua Terra

Au fur et à mesure des années, le regard des gens a évolué. «  C’est une grande fierté de voir que les actions que notre mère mène sont reconnues. Les gens parlent d’elle, et de son l’asbl. Sa crédibilité est démontrée », explique son fils, Antoine Storz. Aer Aqua Terra a reçu de nombreux prix comme celui de la Lauréate Terre de Femmes 2022 de la fondation Yves Rocher Benelux ou encore le prix du Talent Wallon 2022 décerné par le parlement wallon.

Ann-Laure Furnelle sait qu’il est impossible pour son asbl de venir seule à bout de cette pollution invisible. Mais elle reste optimiste. « Chaque mètre nettoyé est un mètre gagné. C’est ça qui me fait continuer ! » Néanmoins, elle avertit : « Ce n’est pas comme s’il y avait le feu à la rivière, mais c’est tout comme ! Personne ne sait le bordel qu’il là-dedans. »

Ornella Herman

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