Emmanuel Macron va nommer un nouveau Premier ministre, le sixième depuis mai 2022.

«Vieux sage», profil technique, personnalité de gauche ou de droite… Voici les pistes de Macron pour nommer un Premier ministre

La France se retrouve à nouveau sans Premier ministre. Emmanuel Macron, qui ne semble pas vouloir dissoudre l’Assemblée nationale, doit trouver un nom qui fera concensus pour Matignon et évitera une énième censure.

C’est reparti pour un tour. Emmanuel Macron se retrouve à nouveau dos au mur et face à un choix presque impossible: qui nommer comme Premier ministre? Sébastien Lecornu, cinquième locataire de Matignon depuis 2022 et le début du second mandat du président de la République française, n’aura tenu que 27 jours avant de jeter l’éponge, dans la foulée de la nomination d’un gouvernement rejeté par tous les bords politiques. Mercredi 8 octobre au soir, l’Élysée a assuré qu’un nouveau Premier ministre serait annoncé d’ici «48 heures», écartant une fois encore la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, dont le spectre planait après le passage express du gouvernement Lecornu.

LFI et le RN censureront tout gouvernement

«Le PS, les Républicains et les macronistes ne sont d’accord sur rien, sauf sur la peur de la dissolution, analyse le constitutionnaliste Benjamin Morel. Les macronistes et les Républicains craignent de se faire écrabouiller en cas de nouvelles élections législatives. Surtout le camp d’Emmanuel Macron, d’autant qu’une dissolution donnerait encore plus d’instabilité politique et la question de la démission du président se poserait à nouveau. Les socialistes étaient encore très enthousiastes à l’idée d’une dissolution il y a une semaine. Mais le changement de configuration politique, avec la division à gauche, ferait qu’ils pourraient perdre les circonscriptions importantes de certains ténors du parti comme Boris Vallaud ou Olivier Faure.»

Charge désormais à Emmanuel Macron de s’assurer le soutien de cet arc politique, allant de LR au PS, en passant par le MoDem de François Bayrou ou le parti Horizons d’Edouard Philippe, autre ancien Premier ministre qui a appelé à une présidentielle anticipée. Cela passera par de nouvelles concessions accordées à chaque camp, en tentant de froisser le moins possible l’autre, et par le choix d’un Premier ministre qui fasse un minimum consensus. Le tout en sachant que le Rassemblement national, qui «n’attend qu’une dissolution de l’Assemblée», et La France insoumise, qui «vise une présidentielle anticipée», «censureront tout gouvernement, ce n’est pas possible de compter sur eux pour autre chose», assure Benjamin Morel.

La réforme des retraites de retour sur le tapis

Première difficulté: parvenir à satisfaire les partis d’une possible future (et fragile) «majorité» en multipliant les compromis. «Ce doit être des gains symboliques, qui permettent à ces partis de résister aux concurrents, car leur soutien à un éventuel nouveau gouvernement leur coûtera très cher politiquement. Si le PS n’obtient pas la peau de la réforme des retraites, toute la gauche va leur tomber dessus en disant: « Un socialiste, ça trahit toujours ». Côté LR, la couleuvre de la réforme des retraites va être difficile à avaler, il faudra leur donner quelque chose, probablement sur la sécurité et l’immigration pour faire face aux quolibets à venir du RN», avance Benjamin Morel.

Interrogée sur BFMTV jeudi matin, Elisabeth Borne, à l’origine de la très contestée réforme des retraites, a ainsi concédé que sa suspension était la «seule voie pour sortir de la crise actuelle». Un point de vue partagé par beaucoup côté LR… sauf Bruno Retailleau, président du parti. «À titre personnel, je n’irai pas dans un gouvernement Lecornu bis ou dans un gouvernement qui veut abroger la réforme des retraites», a assuré le ministre de l’Intérieur sortant. «Sur la suspension de la réforme des retraites, nous ne désarmerons pas. Nous voulons être sûrs que nous ne sommes pas face à une mascarade qui conduirait à beaucoup de déceptions», a martelé de son côté Olivier Faure, premier secrétaire du PS, après avoir été reçu à Matignon mercredi matin par Sébastien Lecornu. De quoi compliquer un peu plus la tâche, s’il le fallait, d’Emmanuel Macron quant à la recherche de compromis…

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Un «vieux sage» ou un profil technique à Matignon ?

L’autre grande difficulté pour le chef de l’Etat est désormais de trouver un nouveau Premier ministre prêt à jouer les pompiers de service. Les socialistes veulent croire que l’heure d’une personnalité de gauche est venue, plus d’un an après la victoire du Nouveau Front populaire aux législatives. «Mais LR va mettre son veto et il n’y aura pas le soutien des communistes et des écologistes», balaye Benjamin Morel, expliquant que certains écologistes sont trop proches de LFI pour ne pas voter la censure d’un Premier ministre socialiste, à l’instar des élus réunionnais, sans qui le groupe communiste n’existerait pas à l’Assemblée. La nomination d’un nouveau proche d’Emmanuel Macron à ce poste semble aussi à écarter après l’échec Lecornu, LR et le PS prônant une réelle rupture avec la politique mise en place ces dernières années.

Deux possibilités semblent tenir la corde actuellement : «Un profil de « vieux sage » de la politique, ou un profil plus technique», synthétise Benjamin Morel. «Le défaut avec un « vieux sage », c’est que cela a déjà été essayé avec Michel Barnier ou François Bayrou. C’est un profil déconnecté de la politique actuelle, avec des personnalités qui ont quitté la vie parlementaire il y a plusieurs décennies parfois», explique le constitutionnaliste. La piste menant à Jean-Louis Borloo (74 ans), plusieurs fois ministre par le passé, est évoquée avec insistance par les médias français, mais elle ne ferait pas l’unanimité chez les socialistes, tandis que le principal intéressé a assuré qu’il n’avait pas été contacté.

Faire voter le budget

Pour le profil technique, plus «neutre» politiquement (normalement) et qui aurait l’avantage de froisser le moins possible le PS comme LR, Benjamin Morel évoque les noms de Thierry Beaudet (président du Conseil économique), François Villeroy de Galhau (président de la Banque de France), voire de Pierre Moscovici (président de la Cour des comptes), même si le passé socialiste de ce dernier ne jouerait pas en sa faveur.

«La question n’est pas de savoir si ce gouvernement tombera, mais quand il tombera»

Benjamin Morel, constitutionnaliste

Une chose est sûre: il ne faudra pas que le prochain Premier ministre débarque à Matignon avec une volonté de chambouler le pays. «Si quelqu’un arrive avec l’idée qu’il pourra forcer le système, faire des réformes ambitieuses, il durera 48 heures», prophétise le spécialiste de la politique française. La tâche la plus importante du futur Premier ministre sera surtout de faire voter le budget, avec un projet de loi de finances attendu le 15 octobre au plus tard devant le Parlement.

«Accepter de rentrer à Matignon pour valider un budget et inaugurer les chrysanthèmes, pas sûr que tout le monde puisse l’envisager», glisse Benjamin Morel, qui n’imagine pas que le gouvernement à venir sera le dernier d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron : «La question n’est pas de savoir si ce gouvernement tombera, mais quand il tombera. Dans le pire des cas, ce sera fini dans deux semaines. Dans le cas intermédiaire, lors du vote du budget. Et dans le meilleur des cas, ce sera après les élections municipales.» Celles-ci auront lieu dans même pas six mois, les 15 et 22 mars 2026, un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle qui est déjà dans toutes les têtes.

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