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Venezuela : « Maduro doit rendre des comptes devant la justice internationale », selon Amnesty

Le président vénézuélien Nicolás Maduro et son gouvernement doivent rendre des comptes devant la justice internationale pour la répression systématique qu’ils infligent aux opposants du régime, estime mardi Amnesty International.

Alors que le pays est secoué par un important mouvement de protestation sociale, sur fond de crise économique doublée depuis janvier d’une crise politique, les autorités ont fait un usage « excessif de la force » marqué par des exécutions extrajudiciaires ciblées et des détentions arbitraires, ressort-il d’un rapport de l’ONG de défense des droits humains publié mardi.

Les violences qui visent les dissidents, ou toute personne perçue comme tel pour avoir manifesté contre le régime, ne sont pas le fruit hasard. Elles sont au contraire organisées par les forces de sécurité et ont pour but de neutraliser ou d’éliminer ces personnes, pointe Amnesty dans son rapport intitulé « Soif de justice: crimes contre l’humanité au Venezuela fin janvier 2019 ».

Pour élaborer ce document, l’organisation a recueilli les témoignages de plusieurs dizaines de victimes d’atteintes aux droits humains perpétrées principalement entre le 21 et le 25 janvier, période marquée par des manifestations de masse contre le gouvernement de Nicolás Maduro. Au moins 47 personnes ont été tuées par balles durant ces cinq jours de protestation. Parmi elles, 39 ont succombé à des tirs émanant des forces de l’ordre ou de tierces parties liées aux autorités.

Certains ont ainsi trouvé la mort au cours de manifestations (24), d’autres de pillages (11), tandis que 11 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires ciblées. Amnesty rapporte notamment le cas de Luis Enrique Ramos Suárez, 29 ans, exécuté près de son domicile au lendemain de sa participation à une marche anti-gouvernementale le 23 janvier. Une vingtaine de membres des forces spéciales ont bouclé le quartier, forçant les occupants des maisons voisines à s’allonger sur le sol pour éviter qu’ils puissent livrer un témoignage. Extrait de force de son domicile, le jeune homme a été tué à deux kilomètres de chez lui de deux balles dans la poitrine. D’après les déclarations recueillies par Amnesty, les forces spéciales sont ensuite revenues et ont fait feu à l’intérieur de la maison de Luis Enrique pour simuler un échange de tirs.

L’ONG rapporte également 900 arrestations arbitraires, dont 770 – certaines visant des enfants et des adolescents – pour la seule journée de manifestations du 23 janvier.

Compte tenu de ces éléments et d’autres indiquant que des faits similaires se sont produits entre 2014 et 2017, Amnesty International considère qu’il est possible que des crimes contre l’humanité aient été commis au Venezuela, « ce qui doit être déterminé par une instance de justice indépendante et impartiale ».

Elle recommande dès lors la création d’une commission d’enquête par le Conseil des droits humains de l’Onu lors de sa prochaine session en juin et juillet 2019, l’activation de la compétence universelle de la part des pays « qui se préoccupent réellement de la situation » au Venezuela, ainsi que l’évaluation et l’examen de ces agissements par le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête préliminaire sur le Venezuela en 2018.

Le socialiste Nicolás Maduro, successeur du président Hugo Chávez, est soutenu notamment par la Chine, la Russie, l’Iran ou encore la Corée du Nord. Son opposant, le député de centre-droit Juan Guaido auto-proclamé président par intérim depuis le 23 janvier, a été reconnu dans cette fonction par une cinquantaine de pays, dont les États-Unis.

Depuis 2015, plus de trois millions de Vénézuéliens ont fui leur pays, soit environ un dixième de la population.

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