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Le Parquet européen s’empare (enfin) de la plainte belge contre von der Leyen

David Leloup
David Leloup Journaliste

Après deux mois et demi, le Parquet européen a décidé de se saisir de la plainte pénale déposée à Liège contre la présidente de la Commission européenne. Le juge d’instruction belge reste actuellement en charge du dossier. Quant au plaignant, il vient de se voir retirer son accréditation de lobbyiste et n’a plus d’accès direct au Parlement européen.

Mieux vaut tard que jamais. Après deux mois et demi de réflexion, le Parquet européen (EPPO) basé à Luxembourg s’est enfin décidé. Fin juin, il s’est emparé de la plainte pénale déposée par un citoyen belge, à Liège, contre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Tant le parquet de Liège que son homologue européen ont confirmé au Vif ce transfert de juridiction. Pour rappel, il s’agit d’une plainte pour «usurpation de fonctions et de titre», «destruction de documents publics» et «prise illégale d’intérêts et corruption». Elle avait été déposée le 5 avril dernier entre les mains du juge d’instruction Frédéric Frenay par Frédéric Baldan, un lobbyiste professionnel de 35 ans originaire de Huy, actif dans les relations commerciales entre l’UE et la Chine.

Silence radio

L’objectif de Frédéric Baldan ? Obtenir, par voie judiciaire, les fameux SMS échangés en 2021 entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, le big boss de Pfizer. Selon le New York Times, von der Leyen et Bourla ont négocié entre eux – alors que la première ne disposait d’aucun mandat pour ce faire – le plus gros contrat jamais signé par la Commission européenne : 35 milliards d’euros pour 1,8 milliard de doses de vaccins anti-Covid-19. Un contrat signé en mai 2021 entre la Commission et le laboratoire pharmaceutique. Selon les informations qui ont filtré, les vaccins coûtaient 15,50 euros la dose au départ, avant d’être portés à 19,50 euros, selon le Financial Times. Non mandatée, la présidente de la Commission aurait-elle de surcroît mal négocié avec Pfizer au détriment des Etats membres de l’UE, et donc des contribuables européens dont Frédéric Baldan s’érige, d’une certaine manière, en représentant ?

«L’EPPO peut confirmer qu’il a enregistré la plainte à laquelle vous faites référence et qu’il est en contact avec les autorités judiciaires belges concernées», réagit Paula Telo Alves, attachée de presse au Parquet européen. «Nous ne pouvons pas fournir d’informations supplémentaires à ce stade. Chaque fois que nous pourrons parler de nos enquêtes, nous le ferons de manière proactive», ajoute-t-elle. Silence radio donc. Comme au parquet de Liège où l’on confirme juste que le juge d’instruction Frenay est toujours actuellement en charge du dossier. Sous la tutelle de l’EPPO donc, au lieu de celle du parquet liégeois.

Accréditation suspendue

Le délai mis par l’EPPO – près de deux mois et demi – interpelle quand on sait que cette plainte, qui n’a rien d’anodin vu la personnalité visée, se lit en trente minutes. Pour rappel, le parquet de Liège avait transmis la patate chaude mi-avril à son homologue européen basé au Luxembourg, car cette plainte concerne des fonds européens et était donc susceptible d’intéresser l’EPPO, compétent pour cette matière. De plus, l’EPPO a annoncé l’an dernier avoir ouvert une enquête plus large sur les modalités d’achat, par la Commission européenne, de vaccins anti-Covid-19 pour près de 71 milliards d’euros auprès de huit fabricants.

De cette enquête européenne, rien n’a filtré. On ne sait s’il s’agit d’une enquête préliminaire ou si elle a été mise à l’instruction. On ignore également si la plainte de Frédéric Baldan a été jointe à ce dossier ou pas. Nos questions adressées au Parquet européen sont toutes restées lettres mortes.

Par contre, début juillet, la société de lobbying de Frédéric Baldan, CEBiz, a été mystérieusement suspendue du registre européen des lobbyistes, alors que son accréditation avait été renouvelée en avril. Le lobbyiste, qui n’a plus d’accès direct au Parlement européen pour effectuer son travail, a introduit plusieurs recours contre cette surprenante décision.

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