Bert Bultinck

« Une coopération russo-américaine est probablement un rêve chimérique d’Assad »

Bert Bultinck Rédacteur en chef de Knack

« Aujourd’hui, la Syrie est en ruines, ou du moins une partie importante du pays, et le président Assad est toujours bien en selle », écrit le rédacteur en chef de Knack Bert Bultinck. Obama aurait-il tout de même dû intervenir en Syrie ?

« Je suis fier de ce que j’ai fait », déclarait Barack Obama l’année dernière lors d’une interview accordée au journaliste de The Atlantic, Jeffrey Goldberg. L’ancien président américain ne parlait pas du redressement économique après la crise, ni de l’assurance maladie ou de l’accord sur le climat conclu à Paris. Non, il parlait de sa décision de ne pas attaquer la Syrie, alors que le président syrien Bachar el-Assad avait franchi la fameuse « ligne rouge » avec ses attaques au gaz sarin, à la Goutha. En 2012, un an avant l’attaque à la Goutha, Obama avait déclaré :  » L’utilisation d’armes chimiques est une ligne rouge pour nous. Si elle est franchie, ça change tout. » Or, le président américain, de plus en plus critiqué pour sa politique étrangère, n’a rien fait. Selon ces critiques, la guerre en Syrie aurait pu prendre une tout autre tournure. Manuel Valls, le premier ministre français de l’époque était très déçu par Obama : « S’il avait attaqué, la Syrie serait bien mieux lotie aujourd’hui. »

Une coopération russo-américaine est probablement un rêve chimérique d’Assad

Aujourd’hui, la Syrie est en ruines, ou du moins des parties importantes du pays, et Assad est toujours bien en selle. Lors d’une interview diffusée la semaine dernière par Knack et la VRT, le dictateur s’en est pris aux Américains, à l’UE et à l’OTAN. En même temps, il a exprimé l’espoir de voir le nouveau président des États-Unis Donald Trump conclure une alliance russo-américaine, ou du moins pour la Syrie. On ignore si c’est là un espoir réaliste. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les dernières informations sur la relation entre Trump et le Kremlin sont ambiguës. Le président américain ne cache pas son admiration pour Vladimir Poutine, mais le mois dernier, l’ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Nikki Haley, n’a pas hésité à condamner durement la Russie pour son intervention en Ukraine. Reste à voir si une telle coopération russe-américaine, publique ou non, n’est pas qu’un rêve chimérique d’Assad.

Notre confrère de Knack Walter Pauli a non seulement pu constater les ravages à Alep et à Damas, mais il a également pu étudier la façon dont le régime d’Assad essaie de contrôler l’image de la Syrie. Le commandement russe présente la guerre en Syrie comme une lutte entre un ordre établi légitime et des terroristes fondamentalistes musulmans issus de différents groupements. Les Russes ne parlent pas du soulèvement civil contre Assad : tout est placé sous le signe de la lutte contre l’EI. On dirait qu’il n’y a jamais eu d’insurrection populaire. La semaine dernière, Amnesty International a diffusé un rapport sur les cruautés presque inimaginables du régime, mais ce n’est pas ça qui amènera Poutine, qui n’est pas moins cynique qu’Assad, à mettre fin à la coalition avec la Syrie.

Au niveau belge, la nouvelle visite à Assad du politique du Vlaams Belang Filip Dewinter, qui a invité Knack et la VRT, ne montre pas seulement la façon dont le régime syrien met les politiques occidentaux en scène pour son usage interne. Elle suscite aussi des questions sur les liens de nos politiques d’extrême droite avec des dictateurs de la trempe d’Assad. Pour Dewinter, Assad est un chef d’état qui mène une guerre contre le terrorisme musulman – les atrocités sont secondaires. Il est intéressant – à la lumière de spéculations à propos de majorités de droite à l’approche des élections communales de 2018 – de voir que Dewinter trouve la torture et les exécutions défendables quand elles cadrent dans la lutte contre le fondamentalisme musulman.

Géopolitiquement, 2017 pourrait bien être une année clé pour la Syrie. Obama a hésité en 2013, mais n’est finalement pas intervenu. Du coup, il a permis à Poutine de jouer un rôle plus important. Le président russe n’a pas hésité et a choisi le parti de son vieil allié Assad. Aujourd’hui, on dirait de plus en plus que les efforts de guerre russes ont été l’événement qui a changé la donne, avec des conséquences importantes pour les rapports de force au Moyen-Orient. De cette façon, la Russie continue à jouer un rôle beaucoup plus marqué que ce que pensaient la plupart des observateurs après la Chute du Mur.

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