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Ukraine: Crimée et châtiments

Anthony Planus
Anthony Planus Journaliste

Dépendance énergétique, pertes économiques, affaiblissement des forces armées… L’annexion de la Crimée par la Russie fait peser sur Kiev la menace de toute une série de changements, principalement pour le pire.

L’Ukraine pourrait devenir encore plus dépendante de Gazprom

L’Ukraine, privée de facto de la Crimée, de ses deux millions d’habitants et de ses stations balnéaires, a perdu aussi le contrôle de ses gisements gaziers de la mer Noire, qui pourraient revenir au géant russe Gazprom. L’une des premières décisions des autorités séparatistes de la péninsule après le référendum de dimanche, a été de « nationaliser » la société locale en charge de l’extraction des hydrocarbures, Tchornomornaftogaz, filiale de l’opérateur public ukrainien Naftogaz. L’entreprise exploite 17 gisements, 11 de gaz naturel, deux de pétrole et quatre de condensat de gaz et dispose de 13 plateformes offshore, en mer d’Azov et en mer Noire. Elle emploie plus de 4.000 personnes.

Le numéro deux du gouvernement de Crimée, Roustam Temirgaliev, a indiqué au journal russe Kommersant que l’appel d’offres pour sa « privatisation » serait lancé rapidement et que Gazprom avait fait part de son intérêt. Dans un entretien au site internet de l’édition ukrainienne du magazine Forbes, le vice-président de Tchornomornaftogaz a raconté que dès jeudi, avant le référendum, des représentants du pouvoir local étaient venus installer leurs représentants à la tête de l’entreprise, escortés d’hommes équipés d’armes automatiques. « Il y avait des représentants de Gazprom, ils étaient quatre », a raconté Volodymyr Pletchoune. « Ils ont aussitôt commencé à étudier les documents ». Des hommes armés se sont ensuite postés sur les plateformes de l’entreprise.

Pourtant, « il ne s’agit pas de pertes critiques », relativise Dmytro Marounytch, analyste de l’Institut des recherches énergétiques à Kiev. « Tout le gaz extrait par l’entreprise (1,6 milliard de mètres cubes en 2013) va aux consommateurs de Crimée. C’est-à-dire que les habitants de l’Ukraine continentale ne seront pas affectés », explique-t-il.

Mais cette perte est par contre plus douloureuse sur le plan symbolique. Kiev essaie depuis ces dernières années de réduire sa dépendance aux importations de gaz russe et perdre les gisements de la mer Noire ne constitue pas un signal positif. Sans oublier que d’importants moyens avaient été mis en oeuvre pour moderniser l’entreprise et doubler sa production d’ici 2015.

Un autre projet des autorités ukrainiennes en mer Noire est actuellement au point mort, ce qui pourrait dans le pire des cas contraindre Kiev à acheter au prix fort à Gazprom le gaz extrait par Tchornomornaftogaz…

Pour Gazprom, le producteur d’hydrocarbures de Crimée ne représente pas grand-chose: sa valeur est estimée par les analystes entre 500 et 800 millions de dollars, bien peu au vu des 25 milliards de bénéfice dégagés sur les neuf premiers mois de 2013. Sa production et ses réserves ne représentent que 0,5% de celles du géant russe. À défaut d’être économique, la victoire serait donc symbolique pour Gazprom.

Les banques ukrainiennes pourraient perdre des centaines de millions d’euros « L’utilisation parallèle du rouble et de la hryvnia (monnaie ukrainienne) ne fonctionnera pas. Nous passerons dans la zone rouble », a précisé mardi 18 mars, le vice-Premier ministre criméen, Roustam Temirgaliev, relayé par Le Monde.

Cette décision a eu pour conséquence d’entraîner la fermeture de toutes les agences criméennes de la première banque ukrainienne, PrivatBank, et la cessation de toute opération sur les comptes « en raison de l’incertitude sur le statut juridique du système bancaire de la péninsule ». « Pour pouvoir de nouveau remplir nos obligations envers nos déposants ukrainiens, il nous faut recevoir des instructions de la part de la Banque Nationale d’Ukraine et être informés des règles et des conditions de travail des établissements bancaires en République de Crimée », a expliqué PrivatBank.

PrivatBank compte 790 000 clients individuels en Crimée et 12 000 entreprises. Elle y emploie 1 300 personnes, et y a 337 agences. La banque centrale ukrainienne a estimé la semaine dernière qu’en cas de rattachement à la Russie les banques ukrainiennes perdraient des centaines de millions d’euros.

L’armée russe recrute

Kiev a annoncé son intention d’évacuer ses militaires encore stationnés en Crimée, ainsi que leurs familles. Mais Moscou et les nouvelles autorités de la péninsule leur ont proposé une alternative: rester et prêter allégeance à l’armée russe.

Par ailleurs, les hommes de Crimée âgés de plus de 18 ans vont devoir se plier au service militaire obligatoire russe et intégrer l’armée, souligne le Moscow Times, relayé par Le Monde.

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