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Sous-marin argentin disparu: « Il y a des raisons de penser qu’il puisse être en surface »

Le Vif

L’expert français Dominique Salles, contre-amiral à la retraite qui fut commandant de sous-marin et préside une association française d’anciens sous-mariniers, l’AGASM, a un « espoir raisonné », dit-il, que le submersible argentin, dont on est sans nouvelles depuis sept jours, attende les secours en surface.

Quelles hypothèses faites-vous sur la disparition du sous-marin San Juan ?

Sur un sous-marin, les incidents les plus graves que l’on redoute sont essentiellement la voie d’eau ou l’incendie. Sur les sous-marins récents, même sur celui-ci qui a été conçu dans les années 80/85, des sécurités intrinsèques et l’entrainement des équipages permettent normalement de les combattre et d’en limiter les conséquences.

Si voie d’eau il y a eu, et si elle n’est pas trop importante, le bateau a pu se rendre étanche. Si c’est l’incendie, moyens d’extinction et cloisonnement permettent à l’équipage de circonscrire le sinistre.

Le sous-marin a en principe une bouée largable en cas de naufrage, soit par commande manuelle, soit par automatisme type « homme mort » (NDLR largage de la bouée si personne n’est aux commandes) qui émettra des signaux de détresse. De tels signaux n’ont pas été interceptés : il y a des raisons de penser qu’il puisse être en surface.

Le sous-marin est-il en sécurité s’il attend les secours en surface ?

S’il est en surface, il est dans une situation qui n’est pas stable mais qui est sûre. Etanche et flottant sur ses ballasts, il ne peut pas couler. En mer démontée, il sera fortement agité notamment s’il ne peut tenir un cap maniable (absence de propulsion).

Et dans cette hypothèse, pourquoi ne peut-on pas le repérer, pourquoi ne communique-t-il pas ?

Ce que les avions de patrouille maritime et les satellites tentent actuellement de détecter, en surface, c’est le massif (kiosque) du sous-marin, car dans une mauvaise mer la partie avant et la partie arrière sont immergées sous les vagues.

Un massif de sous-marin est un ensemble métallique de moins de 10 mètres de long et haut de 3 ou 4 mètres. Dans les mers aux creux de 7 à 8 mètres, sur zone, comme il y en avait ces derniers jours, il n’est pas étonnant que l’on ait des difficultés à le détecter.

Par ailleurs, si les vagues recouvrent les antennes du sous-marin, les messages ne peuvent pas passer. Des problèmes électriques peuvent aussi interdire toute émission radio.

Il s’agit d’un navire de guerre qui a les moyens et les hommes capables de réparations importantes et même de fortune. Le non-déclenchement d’une balise de détresse serait alors justifié par le fait que le bord (l’équipage) estime pouvoir maitriser la situation.

Et si le sous-marin est au fond ?

L’équipage peut tenir plusieurs jours, mais je ne peux pas donner d’indications précises. Il dispose de moyens de secours pour absorber le gaz carbonique et fabriquer de l’oxygène, mais le temps est limité. Si l’équipage est au fond, il ne bouge certainement pas pour économiser l’oxygène. Souvenez-vous des mineurs du Chili.

Jusqu’à quelle profondeur un sous-marin de ce type peut-il résister à la pression ?

Un bateau de ce type peut naviguer jusqu’à une immersion de 300 mètres (par 300 mètres de fond). Or, sur le trajet Ushuaia Mar-del-Plata (que devait théoriquement suivre le sous-marin), on est sur le plateau continental, avec des fonds à 200 mètres. La coque de ce sous-marin ne se disloquerait sous la pression qu’à plus de 600 mètres d’immersion.

Si le bateau est au fond avec une voie d’eau, l’équipage subit peut-être une pression de quelques bars: remontés dans une cloche à la pression du bord, les naufragés feraient alors des paliers de décompression dans un caisson sur le bâtiment de sauvetage. Les Américains ont, semble-t-il, amené sur place les moyens idoines. Et je veux croire que le sous-marin n’est pas en bas.

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