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Russie: 2 ans de camp pour les Pussy Riot

Les trois jeunes femmes membres du groupe punk rock Pussy Riot ont été condamnées chacune à deux ans de camp vendredi par un tribunal de Moscou pour « hooliganisme » et « incitation à la haine religieuse » à l’issue d’un procès qui a acquis une résonance internationale.

Le procureur a requis des peines de trois ans de camp à l’encontre de Nadejda Tolokonnikova, 22 ans, Ekaterina Samoutsevitch, 30 ans, et Maria Alekhina, 24 ans, pour « hooliganisme » et « incitation à la haine religieuse » pour avoir chanté en février, une « prière punk » dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, demandant à la Sainte Vierge de « chasser Poutine » du pouvoir. La peine infligée n’a pas encore été prononcée.

Que leur reproche la justice russe?

Les Pussy Riot sont officiellement poursuivies pour « hooliganisme ». Un acte d’accusation assez grave pour justifier d’un isolement de trois ans en camp de travail, et assez vague pour qualifier les faits qu’on leur reproche, à savoir avoir chanté une prière anti-Poutine dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, le 21 février dernier. Depuis plusieurs semaines, les trois chanteuses titillaient le pouvoir, notamment sur la place Rouge. Mais cette fois-ci, le lieu retenu et le caractère spectaculaire de ce happening ont définitivement irrité Vladimir Poutine.

A quoi ressemble un camp de travail en Russie?

La justice russe a requis contre le trio trois ans de travail forcé dans un camp. Elles risquent jusqu’à sept ans de camp. Le procureur a précisé qu’il demandait trois ans pour chacune, ayant pris en considération que leur casier judiciaire était vierge et que deux d’entre elles avaient des enfants en bas âge. Quelle indulgence! « Nous vivons derrière des barbelés, on nous a tout pris, on nous a séparés de nos amis et de nos familles. » Le Figaro revient sur les conditions de vie dans ces camps de travail, héritage du système pénitentiaire soviétique.A lire ici.

Peuvent-elles compter sur des soutiens en Russie? et à l’étranger?

Les Russes sont très partagés sur le sort qui attend les trois chanteuses. En juillet dernier, un sondage réalisé par le centre indépendant Levada affirmait que 50% des habitants interrogés portaient un regard « négatif » sur ce procès, contre 36% qui approuvaient la comparution des accusées devant les juges. C’est moins qu’en mars: 46% estimaient alors qu’elles devaient être directement jetées en prison. L’opinion russe serait donc en train de se retourner. A l’étranger, le soutien est unanime. De nombreux chanteurs, de Paul McCartney à Madonna en passant par Björk leur ont apporté leur soutien.

Vladimir Poutine peut-il pâtir de ce procès?

Curieuse question, vous direz-vous. Elle s’impose pourtant quand on voit que l’opinion russe a tendance à soutenir les trois chanteuses. Dans ces conditions, Vladimir Poutine risque bien de se prendre le boomerang Pussy riot en pleine figure. Alors que le cadenassage du pays est de plus en plus critiqué, une lourde sanction risque de relancer la contestation. C’est pour cela d’ailleurs que Poutine a semblé se montrer clément à l’encontre des accusées. C’est aussi pour cela que la justice insiste sur le caractère religieux du procès. Le Kremlin fait tout pour rester en dehors de cette affaire.

« Un coup rude pour la liberté d’expression en Russie »

La condamnation de trois membres du groupe contestataire de musique punk Pussy Riot par un tribunal russe porte « un coup rude à la liberté d’expression dans le pays » a déclaré vendredi John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. L’organisation estime en outre que la décision de justice a également des motivations politiques.

Amnesty International considère les trois militantes comme des prisonnières d’opinion, détenues uniquement pour avoir exprimé leurs idées de manière pacifique. « Les autorités russes doivent annuler la décision du tribunal et libérer les membres de Pussy Riot », a communiqué Amnesty International.

« La performance de Maria Alekhina, Ekaterina Samoutsevitch et Nadejda Tolokonnikova avait pour objectif de choquer, et elle a choqué de nombreuses personnes. Mais, en les condamnant à deux ans d’emprisonnement, la Russie a placé les limites de la liberté d’expression au mauvais endroit. »

L’organisation voit aussi dans ce jugement un avertissement et un message selon lesquels la critique du pouvoir n’est pas tolérée et peut entraîner de lourdes condamnations.

« Consternation » au Conseil de l’Europe

Le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), Jean-Claude Mignon, a exprimé sa « consternation » après la condamnation de trois membres du groupe Pussy Riot à deux ans de camp, vendredi à Moscou.

« Dans une démocratie, l’exercice du droit à la liberté d’expression peut être soumis à des conditions qui visent notamment à protéger la morale, et aussi les droits d’autrui. Mais les sanctions doivent être proportionnelles à la gravité de l’acte commis », a souligné M. Mignon.

« Compte tenu des standards du Conseil de l’Europe, une peine d’emprisonnement de deux années pour les faits reprochés est clairement disproportionnée », a-t-il estimé.

Le président de l’APCE a exprimé l’espoir « que la justice russe pourra réexaminer cette condamnation, selon les procédures prévues par la législation russe, en prenant pleinement en compte nos standards dans ce domaine, tels qu’établis par la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg » (la Cour européenne des droits de l’homme), a-t-il conclu.

La Russie est membre depuis 1996 du Conseil de l’Europe, qui rassemble aujourd’hui 47 pays. La mission principale de cette organisation paneuropéenne, basée à Strasbourg, est de défendre les droits de l’homme, la démocratie pluraliste et l’Etat de droit.

La chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton, a condamné la sentence infligée aux trois jeunes femmes membres du groupe Pussy Riot, la jugeant « disproportionnée ».

LeVif.be avec L’Express et Belga

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