Au lendemain du Brexit, le recrutement de l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, par la banque Goldman Sachs soulève un tollé.
En cette ère d’euroscepticisme croissant, l’Europe a l’art de donner elle-même le bâton pour se faire battre. Au début de l’été, on apprend par une indiscrétion que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne entre 2004 et 2014, a retrouvé de l’emploi. Pas n’importe lequel : conseiller et président non exécutif des activités internationales de la banque Goldman Sachs. Ces » pantouflages » d’anciens ténors européens, comme il est coutume d’appeler leurs replacements discrets et lucratifs dans le privé, sont légion : Neelie Kroes est devenue salariée de la Bank of America Merrill Lynch, Viviane Reding conseillère de la fondation Bertelsmann, Karel De Gucht offre ses services à la société d’investissements CVC et au gestionnaire de patrimoine Merit Capital…
Mais celui-ci choque plus que tout autre, à plusieurs titres. D’abord, Goldman Sachs traîne une réputation sulfureuse. Alors qu’elle était encore une banque d’affaires, cette enseigne américaine a été impliquée dans la diffusion de prêts hypothécaires toxiques à l’origine de la crise financière de 2007 – 2008. Trois ans plus tard, en pleine crise de la dette européenne, il apparaît que Goldman Sachs a aidé le gouvernement grec à maquiller ses comptes.
Ensuite, la nomination de Barroso présente un risque mani-feste de conflit d’intérêts. L’ancien président de la Commission aura notamment pour mission d’aider la banque à gérer le délicat virage du Brexit, qui suscite bien des inquiétudes à Londres.
Enfin, le Portugais entame une nouvelle carrière dans le privé, deux ans à peine après avoir quitté la Commission. S’il n’y a rien d’illégal, il reste interpellant que les anciens commissaires européens continuent à toucher 60 % de leur salaire pendant trois ans, pour services rendus.
Le Comité d’éthique européen, s’il ne dénonce aucune infraction, estime que la décision de José Manuel Barroso » risque de nuire à la réputation de l’Union « . Son successeur, Jean-Claude Juncker, veut changer le règlement qui régit ces fameux » pantouflages « . Le principal intéressé balaie les critiques d’un revers de la main : » Ce n’est pas un cartel de la drogue. » A force de cynisme, les dirigeants européens creusent la tombe d’un bel idéal.