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Référendum historique en Irlande sur la libéralisation de l’avortement

Bien qu’officiellement contre l’avortement, l’Eglise catholique d’Irlande est restée relativement discrète durant la campagne sur le référendum historique de vendredi qui pourrait libéraliser le droit à l’IVG, actuellement limité aux cas de risque mortel pour la mère.

Les Irlandais se prononcent vendredi par référendum sur la libéralisation de l’avortement, qui pourrait être acquise de justesse dans ce pays à forte tradition catholique, marquant l’évolution des moeurs trois ans après la légalisation du mariage homosexuel.

L’organisation de ce référendum était une promesse du Premier ministre Leo Varadkar, arrivé au pouvoir en juin 2017, qui avait jugé la loi « trop restrictive ».

La consultation pose la question de l’abrogation du 8e amendement de la constitution irlandaise, introduit en 1983, qui interdisait l’avortement jusqu’à une réforme votée en 2013 permettant des exceptions lorsque la vie de la mère est menacée.

Cette législation reste l’une des plus restrictives d’Europe : le viol, l’inceste ou la malformation du foetus ne sont pas des raisons légales d’avorter.

Chaque année, des milliers d’Irlandaises sont contraintes de se rendre à l’étranger, principalement au Royaume-Uni, pour avorter.

Tous les récents sondages donnent le oui en tête, avec de 56 à 58%, mais les quelque 14 à 17% d’indécis peuvent encore changer la donne. « Le résultat du référendum n’est pas couru d’avance », soulignait récemment le journal The Irish Times.

Cette consultation intervient trois ans après la légalisation, par référendum également, du mariage homosexuel en Irlande, qui avait provoqué un séisme culturel dans ce pays de 4,7 millions d’habitants.

Elle traduit le déclin de l’influence de l’Eglise, autrefois si puissante mais aujourd’hui érodée par les bouleversements économiques et sociaux. L’institution religieuse paie aussi le prix des affaires de pédophilie impliquant des prêtres, parfois couvertes par des responsables ecclésiastiques.

Selon le Pr Diarmaid Ferriter, de l’University College Dublin, les mentalités ont profondément évolué depuis 1983.

« A l’époque, le débat était dominé par des voix plus âgées, masculines, et l’Église se trouvait manifestement dans une position beaucoup plus puissante qu’aujourd’hui », dit-il à l’AFP. « Le profil des militants des deux côtés est bien plus jeune aujourd’hui ».

Bataille sur les réseaux sociaux

Le combat des pro-avortement a pris le visage d’Amanda Mellet, contrainte de partir au Royaume-Uni pour se faire avorter d’un foetus présentant une malformation mortelle.

S’estimant victime de la législation irlandaise, elle avait saisi la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, qui lui a donné raison. Dublin a fini par lui accorder un dédommagement de 30.000 euros.

« Il y a eu des tentatives pour changer la loi (…) pour les situations de malformation foetale mortelles, mais elles n’ont pas abouti », a expliqué à l’AFP Amanda Mellet, soulignant que seul un « changement constitutionnel » pourrait changer la donne.

Les anti-IVG (« pro-life ») partisans du « non » à la libéralisation de l’avortement critiquent de leur côté les mesures qui pourraient suivre: avortements sans condition jusqu’à 12 semaines de grossesse, et jusqu’à 24 semaines pour raisons de santé.

Pour Cora Sherlock, porte-parole de la « Pro Life Campaign », le référendum reste « gagnable, parce que les gens ne veulent pas d’un avortement à la carte ».

Dernièrement, le ton est monté entre les deux camps, et le Premier ministre irlandais a dénoncé l’emploi d’images de personnes trisomiques par le camp anti-avortement, une « nouvelle tentative » selon lui des « partisans du +non+ de salir le débat et de créer la confusion ».

Des professionnels de la médecine prenant position dans le débat ont été assaillis de critiques, et des pro-avortement ont appelé à « la rébellion » contre les grands médias nationaux et une majorité des députés, accusés d’être de mèche avec le camp pro-IVG.

Les réseaux sociaux ont également joué un rôle central dans la campagne référendaire, le camp du « oui » appelant les Irlandais de l’étranger à rentrer au pays pour voter, via le mot clef #hometovote.

Pour limiter les risques de manipulation sur internet, Google et Facebook ont annoncé le blocage des publicités électorales financées par des groupes étrangers.

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