Victoire Ingabire Umuhoza

Reconsidérer une approche non militaire de la résolution des conflits dans l’est de la RDC (carte blanche)

Victoire Ingabire Umuhoza Présidente du Parti DALFA-UMURINZI

Soutenir les États individuels de la région des Grands Lacs africains pour éliminer les causes profondes du conflit dans l’est de la RDC, provenant de leurs défis sociaux, économiques et politiques internes, est également crucial. Les membres du Groupe international de contact sur la région des Grands Lacs et l’Union africaine devraient considérer ce processus comme un outil pour promouvoir la stabilité et la sécurité dans l’est de la RDC.

Depuis plus de deux décennies, les gouvernements de la région des Grands Lacs africains accordent la priorité et utilisent systématiquement les opérations militaires dans le cadre de leurs efforts pour faire face à la menace posée par les groupes armés dans les provinces orientales de la République démocratique du Congo (RDC). Cependant, de telles tactiques ont soulevé des questions, quant à savoir si des solutions militaires apporteraient un jour la paix dans la région.

Une approche non militaire pour ramener la paix dans l’est de la RDC a pris de l’ampleur aux niveaux régional et des Nations Unies.

En mai 2021, des experts des États de la région des Grands Lacs africains, à savoir le Burundi, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, la République-Unie de Tanzanie et l’Ouganda ont lancé le Groupe de Contact et de Coordination (CCG) pour explorer des mesures non militaires de résolution des conflits en l’est de la République démocratique du Congo[1].

Le dernier débat du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation dans la région des Grands Lacs, tenu le 20 octobre 2021, a élaboré cinq pistes d’action pour renouveler l’engagement du Conseil à soutenir la paix dans la région des Grands Lacs, y compris le soutien continu à l’approche non militaire identifiée par le CCG[2].

L’approche non militaire identifiée par le CCG pour consolider la paix dans l’est de la RDC, comprend des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) pour les ex-combattants. Néanmoins, bien que ces actions soient louables, elles ne suffisent pas pour régler les causes profondes de l’instabilité dans cette région.

Les Nations Unies ont reconnu que les principales causes profondes de l’instabilité dans l’est de la RDC étaient liées à des ressentiments dus à des problèmes hérités de la période qui a suivi l’indépendance et l’ère coloniale dans la région des Grands Lacs. L’exclusion de l’accès à la terre, au pouvoir et aux ressources dans la région est source de ressentiment et constitue une autre cause profonde. En plus de ces préoccupations, il a été constaté qu’une gouvernance défaillante, ainsi qu’une autorité de l’État limitée, voire absente, ont un impact sur la protection des droits de l’homme et entravent les efforts visant à renforcer l’état de droit dans certaines zones de la région. En conséquence, ces problèmes ont alimenté la corruption et contribué à l’impunité des auteurs de crimes graves, y compris des crimes contre l’humanité.

Cette situation dans la région continue d’offrir des opportunités aux groupes armés locaux et aux groupes d’origine étrangère, dont certains agissent pour le compte de certains pays voisins de la RDC, pour créer l’instabilité dans l’est de la RDC. L’exploitation et le commerce illicites des ressources naturelles de l’est de la RDC ont permis aux groupes armés susmentionnés de financer leurs opérations avec la complicité d’acteurs locaux et extérieurs, y compris les pays voisins de la RDC, comme le rapportent des experts de l’ONU, dont le rapport des Groupes d’experts sur la République démocratique du Congo.

Dans ce contexte, comment une approche non militaire qui se concentre uniquement sur les programmes de DDR pour les ex-combattants contribuera à résolution des causes fondamentales du conflit de l’est de la RDC qui se rapportent à la faiblesse de la gouvernance dans tous les États de la région.

Il est important de noter que la poursuite du dialogue politique entre les pays de la région des Grand Lacs pour revitaliser la coopération ainsi que les rencontres bilatérales entre les dirigeants des États de la région n’éliminent pas les véritables causes profondes de conflit dans l’est de la RDC. La persistance de l’activisme des groupes armés demeure un défi.

Pour qu’une approche non militaire visant à instaurer la paix dans l’est de la RDC réussisse, elle devrait également se concentrer sur un soutien individuel à chaque état de la région des Grands Lacs africains pour éliminer les principales causes profondes du conflit dans l’est de la RDC, provenant de leurs propres défis sociaux, économiques et politiques. Bref, les pays des Grands Lacs doivent renforcer leur gouvernance. Cela peut être atteint à travers le dialogue.

Les gouvernements en place dans chaque État de la région des Grands Lacs devraient engager des discussions coopératives, constructives et positives avec ses citoyens, y compris des voix dissidentes tant de l’intérieur que de l’extérieur du pays. Le but ultime d’un tel dialogue national hautement inclusif est d’éliminer les raisons pour lesquelles les opposants politiques de n’importe quel pays de la région s’engagent dans des activités politiques en dehors de leur propre pays, sans ou avec la nécessité de recourir à la lutte armée contre leurs gouvernements. En outre, renforcer la séparation des pouvoirs dans les nations régionales concernées afin que ceux qui détiennent l’autorité ne s’engagent pas dans l’exploitation illicite des ressources naturelles de l’est de la RDC.

Seule la tenue d’un dialogue hautement inclusif dans chaque État de la région des Grands Lacs en vue de résoudre les problèmes de politique interne et de renforcer la gouvernance contribuerait de manière significative à l’instauration de la paix, à la résolution et à la prévention des conflits dans l’est de la RDC.

Je salue la tenue du sixième sommet pour renouveler le partenariat entre l’Union africaine et l’Union européenne[3]. Également, le deuxième sommet entre les États-Unis et les dirigeants africains pour renfoncer les relations entre les États-Unis et l ‘Afrique, prévu plus tard cette année[4]. Les deux sommets accordent une plus grande importance, entre autres, a la manière d’ apporter la paix, la sécurité et une bonne gouvernance sur le continent africain. L’UE et les États-Unis sont membres du groupe de contact international sur la région des Grands Lacs (ICG), qui travaille sur les questions politiques, diplomatiques, de sécurité et de développement dans la région. Ainsi, il est opportun qu’au fur et à mesure que le partenariat entre l’Afrique et les membres de l’ICG s’établit, l’utilisation du dialogue proposé soit incluse parmi les solutions non militaires pour promouvoir la bonne gouvernance dans les États de la région des Grands Lacs, qui est la seule garantie de stabilité et de sécurité dans la région, en particulier dans l’est de la RDC.

[1] https://ungreatlakes.unmissions.org/sites/default/files/communique_ccg_meeting_fr.pdf

[2] https://www.un.org/press/fr/2021/cs14669.doc.htm

[3] https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/international-summit/2022/02/17-18/

[4] https://www.voaafrique.com/a/biden-va-organiser-un-sommet-pour-renforcer-les-liens-avec-l-afrique-/6319822.html

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