RDC: le très théorique accès aux soins

Le Vif

« En février j’étais malade, j’ai dû payer 55.000 francs congolais (34 dollars) juste pour la consultation et les examens », raconte Joseph, un jardinier dont les revenus mensuels tournent autour de 100 dollars.

Comme lui, en République démocratique du Congo, la grande majorité des Congolais, sans couverture médicale, doivent se soigner à leurs frais, ce qui ampute lourdement leurs maigres revenus.

Pas d’argent, pas de soin: l’équation est brutale et ses conséquences parfois dramatiques.

Matondo, 22 ans, a ainsi perdu son nourrisson faute de soins appropriés, dimanche à Kingasani, un quartier périphérique à l’est de Kinshasa. « Le bébé a fait des fortes fièvres, mais comme on ne pouvait l’amener à l’hôpital à temps, le temps de chercher l’argent, l’enfant est décédé », explique Rosette Kabwasa, la grande soeur de Matondo.

Parce que l’accès aux soins en Afrique reste largement théorique, des experts réunis cette semaine à Praia, au Cap Vert, ont planché sur la couverture santé pour tous sur le continent.

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En RDC, le plus grand pays subsaharien, la situation est simple, injuste et cruelle: l’immense majorité des 80 millions de Congolais qui survivent dans le secteur informel n’ont pas de sécurité sociale. L’accès aux soins gratuits et sans conditions de revenus est théorique.

La petite minorité qui dispose d’un contrat de travail est normalement affiliée à des mutuelles et des structures médicales.

Mais même pour les salariés du secteur public, l’accès à des soins de qualité gratuits ou remboursés relève davantage de la théorie que de la pratique.

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Les militaires et les policiers, par exemple, sont pris en charge dans des structures médicales presque toujours dépourvues de médicaments. Ceux qui le peuvent vont se faire soigner ailleurs.

« A l’hôpital du camp Kokolo, ma famille et moi avons le droit de nous faire soigner gratuitement. Mais en réalité, ce sont les consultations et les examens qui sont gratuits, car il n’y a pas de médicaments. Et même lorsqu’il y en a, nous les payons », témoigne un militaire de 35 ans, Ghislain.

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Père de 4 enfants, cet adjudant affirme avoir passé les deux dernières semaines dans un centre de santé privé avec deux de ses enfants malades, à ses frais.

De leur côté, les enseignants du primaire et du secondaire bénéficient depuis novembre 2011 d’une mutuelle santé subventionnée par l’État.

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Mais cette subvention n’a pas augmenté depuis 2011, malgré la dévaluation du franc congolais: elle « était de 357.150 dollars en 2011 » mais « ne vaut plus que 125.000 dollars en 2018 », relevait un rapport en mars 2018.

« L’ensemble des enseignants payent une cotisation, mais seule une minorité a accès aux services », ajoutait le document. En outre, « seuls trois enfants par famille sont couverts, alors que les familles congolaises comptent souvent plus que trois enfants ».

– « Sacrifiés » et « VIP » –

L’absence de couverture santé pour tous peut expliquer une mortalité infantile qui reste forte (environ 90 enfants de moins de cinq ans pour 1.000), même si elle a diminué de moitié ces 30 dernières années.

Les bénéficiaires d’une couverture santé se plaignent aussi d’une médiocre prise en charge dans les hôpitaux, aussi bien publics que privés.

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« La prise en charge n’est pas totalement bonne pour des personnes couvertes par une assurance normale »,(20 dollars de contribution mensuelle), reconnaît Odette Zola, médecin directeur dans une clinique privée à Kinshasa.

« Pour cette catégorie d’abonnés, l’hôpital se contente de faire des examens médicaux qui ne coûtent pas chers et offre des médicaments basiques », explique ce médecin qui travaille aussi dans le public. « Pour des examens approfondis et des médicaments spécialisés, ces patients sont malheureusement sacrifiés et obligés de se prendre en charge ».

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En revanche, « les abonnés VIP (120 dollars de cotisation mensuelle) sont traités comme des princes: consultations, examens, tous les traitements sont pris en charge », précise le médecin.

Le nouveau président congolais, Félix Tshisekedi, a qualifié d' »amère » la situation du secteur de la santé en RDC en présentant son programme d’action à court terme, le 2 mars.

« C’est pourquoi », a-t-il promis, « pendant ces 100 jours, il sera procédé à la réhabilitation de certains hôpitaux de référence » et « à l’approvisionnement des hôpitaux et centres avec certains médicaments de consommation courante ».

Une Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a pour « objectif » « le paiement des retraites, des prestations invalidité et accidents de travail, allocations familiales, prénatales, maternité et congé-maternité ».

Mais pour l’heure, dans ce géant riche en ressources naturelles, l’espérance de vie n’atteint pas 60 ans.

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