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Quel rôle joue la Russie au Kirghizistan?

Qui a intérêt à semer le désordre dans la petite république? Le conflit interethnique permet en tout cas à Moscou d’y reprendre pied.

Deux mois après un « soulèvement populaire » qui a chassé du pouvoir son ex-président, Kourmanbek Bakiev, de nouvelles violences embrasent le Kirghizistan, petit pays d’Asie centrale situé au coeur des rivalités géopolitiques entre Russie et Etats-Unis. En début de semaine, les hostilités, concentrées dans le sud du territoire, avaient déjà provoqué plus de 170 morts et quelque 1500 blessés. Des dizaines de milliers de réfugiés fuient vers l’Ouzbekistan, qui a fermé sa frontière.

L’origine exacte des troubles reste un mystère. Parmi les 5 millions et demi de Kirghiz, une minorité d’origine ouzbeke représente environ 15% de la population. La plupart vivent dans le Sud, précisément, où ils sont majoritaires: décidé par Staline dans les années 1920, le tracé des frontières entre les ex-républiques soviétiques est tel que chaque pays compte aujourd’hui une minorité importante issue des Etats voisins. Dans ces conditions, l’instabilité politique est inévitable, attisée par l’instabilité politique régionale, en Afghanistan et ailleurs. Mais cela n’explique pas tout.

Un régime tombé avec l’accord tacite de Moscou L’Asie centrale a souvent été le lieu d’une immense partie d’échecs géopolitique entre les grandes puissances, et le Kirghizistan n’échappe pas à la règle. Le régime de Kourmanbek Bakiev est tombé, en avril dernier, avec l’accord tacite de Moscou, qui a très mal pris que l’ex-chef d’Etat ait autorisé en 2009 la réouverture d’une base américaine dans le nord du territoire. Il n’est guère étonnant, alors, que la présidente kirghize par intérim, Rosa Otounbaïeva, ait sollicité dès le 12 juin une aide militaire russe « afin de rétablir l’ordre ». Moscou a décliné l’invitation, mais des représentants des pays membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (ODKB), une alliance militaire prorusse, se sont réunis deux jours plus tard pour évoquer les mesures à prendre. Il serait surprenant que le Kremlin reste longtemps à l’écart d’un conflit qui, à bien des égards, conforte ses intérêts dans la région.

Marc Epstein

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