Members of the Iranian community living in Turkey attend a protest in support of Iranian women, after the death of Mahsa Amini, in Istanbul, Turkey December 13, 2022. REUTERS/Dilara Senkaya

Procès fictifs, pendaisons publiques, révolution inédite: que se passe-t-il en Iran?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

L’Iran a exécuté par pendaison un deuxième homme condamné en lien avec les manifestations qui secouent le pays depuis trois mois, provoquant une nouvelle fois l’indignation des Occidentaux, et de nouvelles manifestations.

Majidreza Rahnavard, âgé de 23 ans, avait été condamné à mort pour avoir tué à l’arme blanche deux membres des forces de sécurité et blessé quatre personnes, selon Mizan online, l’agence de l’Autorité judiciaire. Il a été pendu en public à Machhad, dans le nord-est de l’Iran.

Il s’agit de la deuxième exécution liée à la contestation déclenchée par la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini le 16 septembre, mais la première en public, après la pendaison le 8 décembre de Mohsen Shekari, 23 ans lui aussi, reconnu coupable d’avoir attaqué et blessé un paramilitaire.

Mizan online a publié des images de l’exécution, visiblement prises avant l’aube, montrant un homme aux mains liées derrière le dos suspendu à une corde attachée à une grue.

Après le tollé provoqué par celle de Mohsen Shekari, les Occidentaux ont fermement condamné cette nouvelle exécution, qui s’est déroulée dans des circonstances « particulièrement cruelles », a souligné le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, cité par son porte-parole.

Les exécutions en Iran « sont conçues pour réduire l’opposition au silence » et montrent « à quel point les dirigeants iraniens ont en fait peur de leur propre peuple », a affirmé le porte-parole du département d’Etat américain Ned Price.

La France a estimé que ces exécutions ne pouvaient « tenir lieu de réponse aux manifestations » et la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a dénoncé « une tentative flagrante d’intimider » les manifestants.

Nouvelles sanctions de l’UE envers l’Iran

L’Union européenne a annoncé de nouvelles sanctions, visant un haut dignitaire religieux chiite, quinze responsables militaires et quatre responsables de la radio télévision d’Etat iranienne, désormais placés sur la liste noire des personnes interdites d’entrée dans l’UE.

« L’exécution publique d’un jeune manifestant, 23 jours après son arrestation », marque « une escalade significative du niveau de violence contre les manifestants », a déclaré à l’AFP Mahmood Amiry-Moghaddam, le directeur du groupe de défense des droits humains Iran Human Rights (IHR), basé à Oslo.

Le contexte

Depuis trois mois, l’Iran est secoué par des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini, 22 ans, décédée après son arrestation par la police des mœurs pour infraction au code vestimentaire du pays.

Depuis ses débuts en 1979, la République islamique a été régulièrement secouée par des poussées de fièvre. Mais cette crise est inédite par sa durée, sa dispersion à travers les provinces, la participation de différents groupes ethniques et classes sociales et les appels directs à la fin du régime.

Au moins 458 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon un bilan établi par IHR, et au moins 14.000 ont été arrêtées d’après l’ONU.

Le Conseil suprême de la sécurité nationale a indiqué samedi que « plus de 200 personnes » avaient été tuées. Un général des Gardiens de la Révolution avait fait état de plus de 300 morts.

« Plus de colère et plus de haine »

Des témoignages ayant circulé avant son exécution ont décrit Majidreza Rahnavard comme un jeune homme passionné de sport et amateur de lutte, qui avait remporté des compétitions.

Le média en ligne 1500tasvir affirme que sa famille n’a été informée de l’exécution qu’après la pendaison, publiant des photos d’une dernière rencontre entre Majidreza Rahnavard et sa mère et précisant que cette dernière ignorait que son fils était sur le point d’être exécuté.

La justice iranienne dit avoir condamné à mort 11 personnes en lien avec les récentes manifestations. Des défenseurs des droits humains assurent qu’une dizaine d’autres risquent la peine de mort.

« Pas de procédure régulière. Des procès fictifs. C’est comme ça qu’ils veulent arrêter les manifestations à l’échelle nationale », souligne Omid Memarian, analyste de l’Iran au Democracy for the Arab World Now (DAWN).

Ripostant à de précédentes sanctions occidentales, l’Iran a annoncé avoir sanctionné l’agence du renseignement intérieur britannique MI5, des responsables militaires britanniques ainsi que des personnalités politiques allemandes.

Vives réactions en Iran

Avant l’annonce de la deuxième exécution, le réalisateur iranien oscarisé Asghar Farhadi a exhorté sur Instagram les autorités à mettre fin aux exécutions: « Tuer et exécuter des jeunes sans défense et des opprimés ne vous apportera que plus de colère et plus de haine ».

C’est ce qui est visiblement arrivé. Suite à l’exécution publique, la population iranienne a elle aussi vivement réagi. A Machad, la ville où Majidreza Rahnavard a été pendu, des Iraniennes scandent « Derrière chaque personne tuée, mille autres sont debout ». De nombreuses autres manifestations ont éclaté dans la ville.

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A Yassouj, à 700km au Sud de Téhéran, des manifestants ont incendié le véhicule d’un agent du régime.

A Amol, au nord de l’Iran, des Iraniens ont brûlé la statue de Ghassem Soleimani, ancien général iranien, commandant de la Force Al-Qods du corps des Gardiens de la révolution islamique.

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Craintes autour d’un footballeur iranien

Le syndicat mondial des joueurs professionnels (Fifpro) s’est dit « choqué et écoeuré » par le risque de condamnation à mort en Iran du footballeur iranien Amir Nasr-Azadani, âgé de 26 ans, en lien avec les manifestations qui secouent le pays depuis trois mois.

« Le Fifpro est choqué et écœuré par les informations selon lesquelles le footballeur professionnel Amir Nasr-Azadani risque d’être exécuté en Iran après avoir fait campagne pour les droits des femmes et les libertés fondamentales dans son pays. Nous sommes solidaires d’Amir », a écrit le syndicat sur son compte Twitter.

L’ancienne star internationale iranienne Ali Karimi, fervent partisan des manifestations, a soutenu le footballeur dans un tweet: « N’exécutez pas Amir ».

Les autorités iraniennes avaient indiqué que le footballeur, en détention depuis le 18 novembre, était accusé d’appartenir à un groupe de neuf personnes qui ont cherché à s’en prendre aux « fondements de la République islamique d’Iran », selon l’agence Isna.

« Amir et trois autres personnes sont à l’origine d’une émeute qui s’est produite le 16 novembre à Ispahan », au cours de laquelle trois agents de sécurité ont été tués, selon M. Jafari. Amir Nasr-Azadani est soupçonné d’être impliqué dans la mort d’un des agents de sécurité, selon l’agence de presse Tasnim.

Avec AFP.

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