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Pourquoi les Roumains réclament le départ de Basescu

Depuis deux semaines, les Roumains manifestent contre le plan d’austérité et réclament la démission du gouvernement. Leur mouvement, sur fond de crise économique et sociale, rappelle celui des Indignés d’autres pays.

L’appel de la rue ne faiblit pas. Depuis le 12 janvier dernier, les manifestations se succèdent à Bucarest et dans d’autres villes de la Roumanie. Et même si le nombre de protestataires a diminué au fil des jours, ils sont encore plusieurs centaines, tous les soirs, à occuper la place de l’Université, dans la capitale roumaine, pour demander la démission du président Traian Basescu. « Jos Basescu » (A bas Basescu), crient-ils.

Ils se mobilisent aussi contre un gouvernement « arrogant » et « corrompu », qu’ils accusent d’être à l’origine de la dégradation de leur niveau de vie depuis la mise en place d’un plan d’austérité trop rigoureux selon eux. « Nous en avons marre de tout avaler, des baisses de salaires de 2010 à la corruption », lancent-ils à la classe dirigeante.

Comment tout a commencé
Le mouvement contestataire a débuté il y a deux semaines, après l’annonce de la démission du fondateur du service médical d’urgence, Raed Arafat. Il a jeté l’éponge à la suite d’un différend avec le président Basescu concernant un projet controversé de réforme de la santé. Depuis, ce projet a été retiré du débat public à la demande du chef de l’Etat. Les participants du mouvement ont renoncé à leurs slogans de soutien à Raed Arafat, pour appeler le président et le gouvernement à démissionner.

« Le président s’est opposé à une personne qui bénéficie d’une cote de confiance très importante dans la population roumaine et cela a été un déclencheur, un coagulateur du mécontentement général qui existe à tous les niveaux de la population », explique le sociologue Mircea Kivu à l’AFP. « La société roumaine semble se réveiller après des années de léthargie » écrit de son côté le quotidien moldave Timpul, cité par Courrier international.

Contre l’austérité

Ces manifestations sont pour les Roumains l’occasion de protester contre le système, en particulier contre la baisse du niveau de vie, accélérée par le plan d’austérité mis en place depuis 2010 selon eux. Confronté à une forte récession économique en 2009, le gouvernement de centre-droit avait procédé à des mesures d’austérité comme des coupes de 25% dans les salaires du secteur public (les plus dures de l’UE), la hausse de la TVA ou la baisse des pensions, en échange d’un prêt de sauvetage de 13 milliards d’euros du FMI et de l’UE.

Une alerte à l' »autisme politique » Longtemps opprimé dans des régimes totalitaires, le peuple roumain veut aujourd’hui se faire entendre, de leurs dirigeants actuels mais aussi des formations politiques de l’opposition. « Les Roumains ont perdu confiance. Ils veulent aujourd’hui de la part des hommes politiques un comportement qui rompe définitivement et complètement avec les mauvaises habitudes du passé », a déclaré la maison royale dans un communiqué.
Ce sentiment s’est davantage accentué avec la réaction du ministre des Affaires étrangères récemment congédié, Theodor Baconschi, lors des manifestations. Ce dernier a d’abord qualifié les manifestants de « zonards incultes, violents et ineptes », avant de nuancer ses propos, reconnaissant « l’autisme de la classe politique » roumaine. Ses premières déclarations fracassantes ont toutefois amené le Premier ministre Emil Boc à la limoger.

Vers une démission en bloc ?
Les partis de l’opposition et de la majorité se sont retrouvés lundi, pour une session extraordinaire au Parlement, mais les positions semblent difficilement conciliables. D’un côté les socio-démocrates (PSD) et les libéraux (PNL), regroupés dans l’alliance socio-libérale (USL, opposition) réclament la démission du gouvernement et des élections anticipées. De l’autre, le Premier ministre Emil Boc, chef de file du Parti démocrate-libéral (PDL), refuse de parler de démission. Il doute que des élections anticipées soient utiles et rappelle que des élections législatives sont prévues à l’automne.

Basescu « ne reculera pas »
Dans un discours prononcé ce mercredi, le chef de l’Etat a déclaré comprendre la situation difficile des Roumains, soumis à l’austérité, mais n’a pas annoncé sa démission. « Je ne reculerai pas », titre le quotidien Timpul avec les mots du président Traian Basescu. Selon lui, ces mesures douloureuses ont permis de stabiliser l’économie, avec notamment une progression du PIB en 2011.

Accusé par certains médias et par l’opposition de tendances « dictatoriales », le président a promis la création de nouveaux emplois, une nouvelle réforme de la santé. Face à la grogne persistance, il a même plaidé pour une modification de la constitution et de la loi électorale, afin de réduire le nombre d’élus. Le président, qui tente de retrouver la confiance du peuple, a enfin reconnu des « gaffes » dans sa communication, citant notamment les critiques qu’il avait adressées par téléphone, en direct à la télévision, à Raed Arafat.

Chloé Gibert

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