La grenade moins juteuse que le pavot

Pour les fermiers afghans, la grenade moins juteuse que le pavot (en images)

Le Vif

Intempéries, insectes voraces et problèmes à l’exportation: la culture de la grenade, censée représenter une alternative à celle du pavot à opium, est loin d’être juteuse cette année, se plaignent les fermiers du sud de l’Afghanistan.

Le fruit à l’écorce écarlate et aux grains craquant sous la dent, réputé bénéfique pour la santé, est une production phare des fermiers afghans. Particulièrement dans la région de Kandahar, où des grenades de la taille de petits melons pendent aux branches des grenadiers.

Chaque automne, les Afghans savourent le fruit dont l’écorce se fend à la saison de la récolte. Ils s’approvisionnent auprès des vendeurs qui en font des pyramides impressionnantes sur leurs étals, ou le vendent directement pressé.

Mais cette année, des fermiers de Kandahar se plaignent qu’une maladie fongique et une attaque d’insectes ont affecté leur récolte. Ils accusent en plus le Pakistan voisin, avec lequel l’Afghanistan entretient des relations tendues, d’avoir imposé de nouveaux droits de douane pénalisant leurs exportations.

Selon Haji Abdul Manan, qui fait pousser des fruits dans le sud de Kandahar depuis 30 ans, un épisode de froid au printemps a endommagé la floraison des grenadiers et s’est traduit par une baisse de production de 40% à la sortie.

A cela se sont ajoutés les « poux, les insectes et une maladie à champignon », explique-t-il, évoquant un type de mouche verte capable de gâter jusqu’à cent grenades par jour.

« Le gouvernement afghan est censé pulvériser les jardins et vergers de Kandahar et protéger les grenadiers des maladies mais il ne fait rien », accuse M. Manan.

Sa saveur sucrée mise à part, les inconditionnels de la grenade sont attachés à ses bénéfices supposés pour la santé, avec un taux élevé de vitamine C et des antioxydants.

« Les grenades de Kandahar sont les meilleures au monde pour la saveur et la couleur, et elles sont arrivées plusieurs fois premières dans des compétitions à l’étranger », dit à l’AFP Nasrullah Zaheer, le chef de la Chambre de commerce de Kandahar.

Sur place, une grenade de taille moyenne se vend pour l’équivalent de 14 centimes d’euro, et atteint trois fois ce prix quand elle arrive sur les étals de fruits à Kaboul, la capitale.

« Pas juste »

M. Zaheer, comme beaucoup d’autres fermiers, affirme que le Pakistan voisin a relevé ses droits de douane sur les importations de grenades, ce qui s’est traduit par un excès de l’offre sur le marché afghan et une forte baisse du prix du fruit, et ce malgré la baisse de la récolte.

« Ce n’est pas juste d’avoir augmenté » les droits, s’est plaint M. Zaheer.

L’ambassade du Pakistan à Kaboul a démenti tout bond des tarifs de douane, expliquant qu’ils avaient été légèrement relevés « parce que les exportateurs afghans sous-évaluent systématiquement la valeur de leurs grenades et de leurs fruits ».

Dans un marché d’Islamabad, Muhammad Hafeez, un vendeur de fruits et légumes, explique que l’approvisionnement en grenades de Kandahar n’est pas touché.

« L’approvisionnement est bon en quantité comme en qualité », dit-il.

Selon Abdul Baqi Beena, vice-directeur de la Chambre de commerce de Kandahar, l’Afghanistan exporte annuellement de 40.000 à 50.000 tonnes de grenades par an, vers l’Inde, le Pakistan, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

Pendant des années, l’Afghanistan et ses donateurs internationaux ont essayé de convaincre les fermiers du pays d’abandonner la culture du pavot à opium au profit de productions fruitières.

Mais ces efforts ont le plus souvent échoué avec une rémunération des trafiquants de drogue excédant de loin ce qu’un agriculteur peut espérer toucher avec une culture traditionnelle.

L’Agence américaine pour le développement (USAID), qui soutenait initialement des cultures à forte valeur ajoutée, dont la grenade, a changé sa politique ces dernières années pour se concentrer sur le soutien à l’établissement de filières d’exportation.

« Il y a une forte demande régionale pour des produits afghans à forte valeur générant un bénéfice suffisant pour justifier leurs coûts d’exportation », dit Daniel Corle, un responsable d’USAID, dans un email.

« Cela inclut les grenades, les pignons de pins, abricots, épices, pierres précieuses, marbre et tapis, entre autres ».

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