Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. © REUTERS/Vincent Kessler

Pour Juncker, fermer la porte de l’UE à la Turquie serait une « grave erreur »

Le Vif

Rompre les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne serait une « grave erreur », a jugé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker après un appel en ce sens de l’Autriche qui a attisé les tensions avec Ankara.

« En ce moment, si l’on donnait l’impression à la Turquie que, quelle que soit la situation, l’Union européenne n’est pas prête à accepter en son sein la Turquie, ce serait selon moi une grave erreur de politique étrangère », a-t-il dit à la chaîne ARD dans un entretien qui doit être diffusé dimanche et dont des extraits ont été publiés dès jeudi.

« Je ne vois pas ce que cela apporterait si nous signifions unilatéralement à la Turquie que les négociations sont terminées », a-t-il insisté.

Mais M. Juncker a aussi relevé que la Turquie était très loin de pouvoir prétendre à l’intégration européenne, en particulier du fait de la répression engagée après le putsch raté du 15 juillet.

« La Turquie dans son état actuel ne peut pas devenir membre de l’Union européenne, en particulier si elle fait ce que certains réclament à savoir le rétablissement de la peine de mort. Cela aurait pour conséquence la rupture immédiate des négociations », a-t-il souligné.

Ces propos sont intervenus après un appel du chancelier autrichien Christian Kern à rompre les pourparlers avec Ankara : « Nous devons faire face à la réalité: les négociations d’adhésion ne sont plus que de la fiction (…) les normes démocratiques turques sont loin d’être suffisantes pour justifier son adhésion ».

Sur la même ligne, le ministre autrichien de la Défense Hans-Peter Doskozil a comparé le régime turc actuel à une « dictature » et estimé que les négociations « doivent être suspendues ou s’arrêter ».

Le ministre turc des Affaires européennes Omer Celik a vivement réagi aux déclarations de M. Kern, les jugeant « extrêmement perturbantes » devant la presse à Ankara.

Puis, dans une série de tweets publiés avant les déclarations de M. Juncker, le ministre turc avait haussé le ton : « Au moment où nous faisons face à une tentative de coup d’Etat, nous nous attendions à de la solidarité au lieu de déclarations anti-turques marquées par un langage d’extrême-droite ».

« Ceux qui n’ont pas montré de solidarité avec notre démocratie (…) n’ont pas le droit de mettre en cause nos acquis démocratiques », a-t-il conclu.

De son côté le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déjà lancé une violente charge contre les Occidentaux mercredi, les accusant de soutenir le « terrorisme » et les putschistes qui ont failli le renverser.

La Turquie est devenue au cours des derniers mois un partenaire particulièrement délicat à gérer pour l’Union européenne.

En mars, Ankara et l’UE ont signé un pacte destiné à tarir les traversées de migrants des côtes turques vers les îles grecques et qui permet le renvoi en Turquie des migrants, en échange de contreparties politiques et financières, dont l’accélération des négociations d’adhésion.

Cet accord est cependant à la merci de relations toujours plus tendues. Les autorités turques ont notamment menacé de rompre ce pacte si l’UE ne lui accordait pas d’ici octobre une exemption de visa, mais celle-ci ne peut intervenir que si Ankara assouplit sa loi antiterroriste ce que le pouvoir turc refuse.

« Les conditions sont les conditions. Nous ne pouvons pas nous écarter de notre position sur les droits de l’homme et la loi antiterroriste. Une loi antiterroriste ne doit pas être utilisé pour mettre des journalistes, des professeurs et d’autres gens en prison », a répété M.Juncker à ARD.

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