Gérald Papy

« Pédophilie, abus sexuels… L’Eglise face à son examen de conscience »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Un pouvoir méprisant, ignorant des réalités des plus faibles, imperméable à la remise en question, déterminé à masquer ses turpitudes… Cette dérive n’est pas le fait d’un cercle dirigeant d’institution internationale, d’une collusion de politiciens ou d’une entente de patrons de multinationale… Elle est le reflet de l’attitude qu’adopta l’Eglise catholique face au fléau de la pédophilie et des abus sexuels.

Ainsi, à côté de l’horreur des souffrances infligées à des enfants, à des personnes vulnérables, à des religieuses…, l’Eglise a pu symboliser, sans qu’on en prenne réellement conscience, le déni et le mépris que, dans un accès de colère inédit et sous diverses formes, le  » peuple  » reproche aujourd’hui aux  » élites « .

 » La réputation d’une communauté religieuse a été jugée pendant longtemps plus importante que la punition publique du péché de l’un de ses membres « , explique l’écrivain belge Jean-Claude Bologne dans Histoire du scandale (Albin Michel, 2018). La hiérarchie préférait étouffer ou punir discrètement le  » scandale actif  » (la violence sexuelle) plutôt que de s’exposer au  » scandale passif  » (le discrédit sur l’institution) qui aurait entraîné la perte de la foi chez des fidèles. Cette tradition ancrée dans le droit canon explique la résistance à affronter la réalité que continuent à manifester aujourd’hui certains ecclésiastiques. Elle a été illustrée par l’archevêque de Lyon Mgr Barbarin qui, poursuivi pour non-dénonciation des agressions sexuelles pédophiles du père Preynat, a déclaré en 2016 que  » la majorité des faits, grâce à Dieu (1), sont prescrits « .

L’Eglise a pu symboliser le déni et le mépris que, dans un accès de colère inédit, le u0022peupleu0022 reproche aujourd’hui aux u0022élitesu0022.

Porté par le pape François, le Vatican semble avoir opéré un tournant radical dans l’appréhension de cette question. Les présidents des conférences épiscopales du monde entier sont réunis à Rome depuis le jeudi 21 février pour un sommet sans précédent appelé à penser les mesures pour prévenir de futurs abus.  » On ne peut plus rejeter la faute, dire que ce sont les médias ou le monde extérieur qui en voudraient à l’Eglise « , a avancé, en préambule à la réunion, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Georges Pontier.

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La voie vers la rédemption s’annonce toutefois longue et laborieuse. Elle passe par la dénonciation systématique des abus à la justice civile et par le renforcement des sanctions internes. Une phase qu’a a priori inaugurée le pape François avec le renvoi de l’état clérical, le 16 février, de l’ancien archevêque de Washington Theodore McCarrick. Mais certains insistent sur la nécessité de mesures plus structurelles.  » Le terreau de l’abus est toujours là « , s’inquiète légitimement l’historienne Christine Pedotti, auteure de Qu’avez-vous fait de Jésus ? (Albin Michel), qui décèle aussi la faillite d’un système. La multiplication des dossiers, la difficulté d’y mettre fin et la récurrence des résistances à les instruire inclinent à lui donner raison. Ce constat nous ramène au diagnostic, avancé plus haut, d’une rupture fatale entre une hiérarchie et sa base. Nul doute que le salut de l’Eglise catholique, dans un monde de plus en plus sécularisé, passe par une démocratisation, qui inclut un rôle plus important accordé aux femmes.

(1) Ce propos a inspiré le titre du film de François Ozon, Grâce à Dieu, qui sort le 3 avril en Belgique.

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