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Obama en Israël: le rouleau compresseur de la colonisation

Le président américain est en visite en Israël ce mercredi alors que le nouveau gouvernement Netanyahu a réaffirmé sa volonté de poursuivre la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui met pourtant en danger la solution à deux Etats. Le point sur la question.

Deux jours avant l’arrivée, ce mercredi du président américain Barack Obama en Israël, le nouveau gouvernement de Benyamin Netanyahu a prêté serment. En son sein, les représentants du lobby des colons, présents en force, ont clairement affiché leur intention de poursuivre la colonisation. Celle-ci avance inexorablement, mettant en danger une solution à deux Etats israélien et palestinien, comme vient de le rappeler un rapport de l’Union Européenne. La colonisation met « en péril les perspectives physiques de création d’un Etat palestinien viable » et rend « les compromis nécessaires à la paix plus difficiles à mesure que la population des colonies augmente » relève le document. Elle est « systématique, délibérée et provocatrice », et sape « la confiance entre les parties. En 2011, Israël a en effet pris, selon l’ONG israélienne B’Tselem, le contrôle de 50% du territoire de la Cisjordanie. Cette emprise sur les terres palestiniennes a connu plusieurs étapes.

Colonisation par tous les moyens

Quand Israël a occupé la Cisjordanie et Jérusalem-Est en 1967, l’armée a com¬mencé, officiellement pour des « raisons sécu¬ri¬taires », à saisir des ter¬res palestiniennes qu’elle a ensuite cédées aux pre¬miers colons. « Les tribunaux israéliens ont systématiquement approuvé les décisions de céder ces terres aux colonies », explique le militant des droits de l’homme Dror Etkes, en déplacement à Paris début mars pour un colloque au Sénat sur la colonisation.

En 1979, un arrêt de la Cour suprême israé¬lienne a mis fin à cette pra¬tique. Les autorités ont alors changé de méthode: les ter¬rains non enre¬gistrés et non cultivés de façon intensive ont été déclarés « terres d’État », puis, là encore, cédés pour la construction de colonies. Parallèlement, des terrains étaient, et sont régulièrement confisqués pour les infrastructures telles les route, notamment celles destinées à relier les colonies entre elles ou au territoire israélien de l’autre côté de la ligne verte.

Une politique discriminatoire

Tous ces zones peuplées de colons reçoivent de nombreuses aides publiques, tandis que les villes et villages peuplés de Palestiniens en reçoivent très peu. Ceux-ci font en revanche l’objet d’un acharnement administratif et judiciaire discriminatoire, qui aboutit à un nombre de démolitions très supérieur aux démolitions de constructions illégales par les colonies, comme le souligne Akiva Eldar dans le quotidien israélien Haaretz. Dans le même temps, les demandes de permis de construire de la part des Palestiniens sont quasi systématiquement refusées (94% de ces demandes déposées ont été rejetées au cours des dernières années selon l’ONU).

Dror Etkes insiste sur le fait que la colonisation se poursuit par deux voies parallèles: la voie légale (aux yeux de l’Etat israélien, puis qu’elle ne l’est pas au regard de la convention de Genève), et l’occupation illégale de terres par les colons, dont une infime partie est stoppée tandis que la plupart finit par être autorisée. Selon le militant pacifiste, l’Etat israélien a de fait encouragé l’accélération de la colonisation à partir du retrait de Gaza en 2005, même s’il ne l’a pas revendiqué officiellement. « La couleur politique des dirigeants israéliens a peu influé sur cette politique », relève Dror Etkes: « C’est en 2000 que le plus grand nombre de logements dans les colonies (4700) a été mis en chantier, le gouvernement étant à ce moment-là dirigé par Ehud Barak, alors au Parti travailliste.

Jérusalem-Est, « la ville d’Israël la plus étendue »

La politique de colonisation est encore plus systématique à Jérusalem-Est qu’en Cisjordanie. Les limites de la partie de Jérusalem située à l’est de la ligne verte, annexée après la guerre de 1967, ont été progressivement étendues. Aux 6,4 km² de terrain de la Jérusalem jordanienne ont été ajoutés 64 km² d’autres terres de Cisjordanie, ce qui en fait, selon Dror Etkes, la ville d’Israël la plus étendue.

66 000 Palestiniens, et quelques centaines de juifs, vivaient en 1967 dans cette zone, selon un recensement des autorités israéliennes. Dès 1993, le nombre de juifs, 155 000, y dépasse celui des Arabes, 150 000. Or, « pour que la solution à deux Etats se réalise, Jérusalem doit devenir la future capitale de deux Etats, Israël et la Palestine », rappelle le rapport de l’Union européenne.
« L’intention réelle de la puissance occupante est de s’emparer des lieux en les vidant de ses occupants », constatait Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine à l’Unesco, lors du colloque sur la colonisation au Sénat.

A Jérusalem-Est comme en Cisjordanie, « les actions publiques planifiées se mêlent aux initiatives privées et vont toutes dans le sens de l’expropriation des habitants d’origine, ajoute l’historien. Au quotidien, tout est fait pour chasser les Palestiniens et accroître la présence juive » dans cette partie de la ville. Les obstacles se multiplient pour le remplacement des passeports ou cartes de séjour des Palestiniens de Jérusalem-Est. On leur refuse les permis de construire alors que les achats de propriétés et l’installation de colons se multiplient au coeur des quartiers palestiniens -un récent rapport de l’ONU révélait que 70% des démolitions dans la ville sainte concerne des résidents palestiniens ; les taxes qu’acquittent les Palestiniens sont très élevées, alors que les services publics délaissent leurs quartiers. Ainsi, « bien que les Palestiniens constituent environ 37% de la population de Jérusalem, la municipalité ne dépense pas plus de 10% de son budget total dans les zones palestiniennes », relève le rapport de l’UE.

La mémoire instrumentalisée

La forte symbolique de la ville sainte, qui abrite les lieux saints des trois religions monothéistes, pèse de tout son poids sur la politique d’annexion de Jérusalem-Est. Ainsi, les fouilles archéologiques ont été confiées à une fondation liée à une association de colons, « dont l’obsession est de légitimer l’antériorité de la présence juive, explique Elias Sanbar. Au point que quand ces « archéologues » tombent sur des strates qui ne sont pas juives, ils les détruisent ou les déplacent, comme ce fut le cas pour des vestiges d’églises byzantines récemment ».

Pendant des siècles, Jérusalem comme l’ensemble de la Palestine a abrité une société plurielle, rappelle le diplomate poète. Mais plus le temps passe, plus cette polychromie est menacée. « On estime qu’il ne reste pas plus de 1000 chrétiens à Jérusalem », s’inquiète Elias Sanbar qui voit un danger dans la rupture de l’équilibre à trois religions qui prévalait à Jérusalem. Cette évolution met en danger la solution à deux Etats, la seule possible, s’alarme également Dror Etkes. « Les autorités israéliennes doivent, estime le militant pacifiste, avant qu’il ne soit trop tard, faire le choix entre la voie vers une « démocratie » ou une « ethnocratie ». Et Barack Obama, qui avait affiché un certain volontarisme sur la question israélo-palestinienne au début de son premier mandat, semble avoir capitulé face à cette poursuite inexorable de la colonisation.

Catherine Gouëset

La colonisation en chiffres

– 2,65 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie selon l’ONU
270 000 Palestiniens à Jérusalem-Est.

– On comptait 328 423 colons en Cisjordanie en 2011 selon les chiffres du bureau des statistiques israélien rapportés la Foundation for Middle East Peace, et 198 629 colons à Jérusalem-Est (2010).

– Le taux de croissance de la population des colonies en Cisjordanie a été 2,5 fois plus élevé que le taux de croissance dans la population générale en Israël en 2010 (4,9% contre 1,9%), relève B’Tselem.

– En 2011, Israël a pris, selon B’Tselem, le contrôle de 50% du territoire de la Cisjordanie dans 124 colonies, une centaine de colonies « sauvages », et les 12 faubourgs de Jérusalem-Est annexés avec l’aide du gouvernement.

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