Invasion de l'Ukraine - Biden veut fournir une assistance militaire de 600 millions de dollars à l'Ukraine © belga

Nucléaire: Joe Biden au pied du mur face à l’Iran

Le Vif

Et maintenant? La dernière poussée de fièvre nucléaire entre l’Iran et la communauté internationale renforce la pression sur Joe Biden pour qu’il précipite le dénouement des négociations avec Téhéran.

Le président des Etats-Unis est face à un choix difficile: lâcher du lest, au risque d’être accusé de faiblesse à l’égard d’un des pires ennemis de l’Amérique par l’opposition républicaine à quelques mois des législatives de novembre; ou décréter l’échec de la diplomatie, au risque de laisser éclater une crise majeure au Moyen-Orient en pleine guerre russo-ukrainienne.

« A ce stade, les choses peuvent aller dans les deux directions », dit à l’AFP Ali Vaez, de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.

Selon lui, « les tensions des derniers jours peuvent pousser les dirigeants à Téhéran et Washington à prendre le compromis qui est sur la table », ou au contraire provoquer « un autre cycle d’escalade qui ne fera qu’empirer ».

Début 2021, le président démocrate avait fait le pari de négociations rapides pour ressusciter l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien dont son prédécesseur républicain Donald Trump avait claqué la porte. Mais aujourd’hui, ces pourparlers de Vienne sont dans l’impasse.

Rappel à l’ordre

La situation vient encore de s’aggraver: s’appuyant sur les constats de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui accuse l’Iran de se rapprocher drastiquement de la quantité d’uranium enrichi nécessaire à la confection d’une bombe atomique mais aussi de ne pas répondre à ses inquiétudes sur certaines activités suspectes, les Etats-Unis et les Européens ont fait voter un rappel à l’ordre formel par l’agence de l’ONU. La riposte de Téhéran n’a pas tardé, qui a retiré 27 caméras de surveillance de son programme nucléaire.

A Washington, les partisans de l’accord de 2015 estiment que ces événements prouvent que ce texte, connu sous l’acronyme anglais JCPOA, est le seul moyen d’empêcher l’Iran de se doter d’une bombe — et que le sauver vaut bien quelques concessions de la part de Joe Biden. Ses détracteurs, essentiellement républicains, y voient au contraire la démonstration qu’il est insuffisant puisque l’Iran ne coopère pas avec les inspecteurs internationaux.

Si toutes les avancées nucléaires engrangées ces derniers mois par Téhéran « ne suffisent pas pour que le gouvernement Biden change de position, alors que faut-il d’autre? », interroge Behnam Ben Taleblu de la Foundation for Defense of Democracies, un think tank qui milite contre l’accord de 2015. Il incite le président à renouer avec la « pression maximale » de l’ère Trump, mais avec une « version multilatérale ».

Même côté démocrate, les voix critiques montent d’un ton, à l’instar de l’influent sénateur Bob Menendez qui se demande « quand le gouvernement va finir par reconnaître que les progrès nucléaires de l’Iran » sont désormais trop importants pour qu’il vaille encore la peine de relancer le JCPOA.

« Zone grise »

De fait, le camp Biden semblait s’accommoder tacitement, ces derniers mois, du statu quo qu’Ali Vaez résume ainsi: « Pas d’accord, pas de crise ».

Alors que les Américains avaient prévenu en décembre qu’il ne restait plus que « quelques semaines » pour trouver une entente, ce délai s’est écoulé sans aucun résultat, et ils refusent désormais d’évoquer une autre date butoir. Jeudi, Washington a d’ailleurs continué d’entretenir le flou sur ses intentions.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a prévenu que les dernières « provocations » de Téhéran risquaient d’aboutir à « une crise nucléaire aggravée » et à un « isolement économique et politique accru de l’Iran ».

Mais dans le même temps, il a laissé la porte ouverte à la diplomatie, assurant vouloir toujours sauver l’accord sur le nucléaire. A ce stade, sa relance répondrait encore « fortement aux intérêts de sécurité nationale » des Etats-Unis, a-t-on expliqué dans son entourage.

Randa Slim, chercheuse au cercle de réflexion Middle East Institute, redoute la persistance de « cette zone grise où tout le monde suppose que les discussions de Vienne ont échoué, mais personne ne veut l’annoncer ».

« C’est le dilemme de l’administration Biden: si elle déclare que les négociations sont terminées », alors même que, de l’avis des experts, Téhéran est plus proche que jamais du statut d’Etat nucléaire, « ils seront obligés de passer à l’acte », estime-t-elle. Ou alors « d’accepter une intervention d’Israël », où les faucons poussent pour des frappes militaires contre les sites nucléaires iraniens.

Pour Ali Vaez, toutefois, les tensions avec l’AIEA « ont montré aux deux camps » que le statu quo « n’est vraiment pas tenable ». D’autant que « deux comptes à rebours » mettent simultanément « beaucoup de pression » sur Joe Biden, fait-il valoir.

D’une part, « le compte à rebours technique » qui rapproche la République islamique d’une arme nucléaire et qui va pousser le Congrès américain à réclamer une action plus déterminée de la part du président. D’autre part, « le compte à rebours politique », avec l’approche des législatives de mi-mandat aux Etats-Unis.

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