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Merkel joue l’ouverture

Salaire minimum, droits des couples homos… la chancelière chasse sur les terres de ses adversaires politiques. Le pragmatisme est sa boussole. Quitte à dérouter son propre camp.

A l’approche des élections législatives au Bundestag, Angela Merkel brille dans l’art de laisser les portes ouvertes. Lorsque son parti, la CDU (centre droit), a annoncé au début du mois de mars qu’il n’accorderait pas aux couples homosexuels les mêmes avantages fiscaux qu’aux hétérosexuels, elle a semblé se ranger aux arguments des conservateurs bavarois de la CSU, « au nom des valeurs de la famille ». Mais, dans le même temps, elle a précisé que ce « Nein » n’était pas définitif. Puisque le Tribunal constitutionnel doit se prononcer sur la question avant l’été, la CDU attendra le verdict des sages de Karlsruhe avant de définir la ligne à suivre. La porte n’est donc pas complètement fermée à une reconnaissance des couples gays et lesbiens… Comme d’habitude, la chancelière s’est transformée en courant d’air. « Elle laisse les circonstances déterminer son action et gouverne comme on gère une administration, fustige Daniel Sturm, chroniqueur du quotidien de droite Die Welt. Le plus souvent, elle explique qu’elle ne pouvait pas faire autrement. »

Derrière ce flou artistique, l’objectif de la chancelière, qui briguera un troisième mandat le 22 septembre prochain, est pourtant clair : ratisser large pour arriver en tête. Depuis des mois, Merkel occupe donc systématiquement le terrain de ses opposants, en reprenant à son compte leurs thèmes. Elle a mis fin à la conscription et décidé de sortir du nucléaire, ce qui a plutôt séduit l’électorat Vert.

Elle a instauré un salaire parental, développé les structures d’accueil de la petite enfance et, plus récemment, plaidé pour l’instauration d’un salaire minimal, une revendication des sociaux-démocrates du SPD. Le mois dernier, en visite à Ankara, Angela Merkel a même prôné une relance des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne – plus de 2 millions de Turcs vivent en Allemagne -, elle qui, depuis le début du processus, en 2005, a toujours défendu un « partenariat privilégié ». « Elle se situe quelque part entre un admirable pragmatisme et une absence totale de conviction politique », ironise encore Daniel Sturm.

C’est le paradoxe de cette chancelière sans profil, qui bat des records de popularité dans son pays alors que, sur le terrain, son parti n’arrive plus à mobiliser les électeurs. Déroutés dans leur identité, les conservateurs accumulent en effet les échecs. Après avoir perdu Cologne, Hambourg, Francfort et Stuttgart – enlevée en octobre dernier par l’écologiste Fritz Kuhn -, ils ne dirigent plus aucune des dix grandes villes d’Allemagne. Et ils ont été battus dans des Régions phares comme la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Bade-Wurtemberg ou la Basse-Saxe – remportée par le SPD en janvier. Au soir du 22 septembre, Merkel a bon espoir, pourtant, d’atteindre son objectif : propulser la CDU à la première place et pouvoir ainsi choisir son partenaire de coalition. Entre les libéraux, les sociaux-démocrates ou même les écologistes, elle n’aura que l’embarras du choix.

De notre correspondante Blandine Milcent

LES PIRATES EN RADE Ils avaient le vent en poupe il y a un an ; ils sont aujourd’hui au fond du trou. Les Pirates allemands ne totalisent plus que 2 % des intentions de vote, soit quelque 10 points de moins en un an, selon un sondage Infratest. Les petits nouveaux de la scène politique allemande n’ont pas réussi à surmonter leurs querelles de personnes – l’un des dirigeants du bureau fédéral vient d’annoncer sa démission, dernière d’une longue série. Les Verts pourraient profiter de ce désamour.

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