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Mer d’Azov: que dit le droit maritime?

Le Vif

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie à propos du passage de la mer Noire à la mer d’Azov, contrôlé par Moscou, pose le problème de la libre circulation des navires dans les détroits maritimes.

En l’espèce, l’annexion de la Crimée en 2014 a donné à la Russie le contrôle exclusif du détroit de Kertch, mettant à sa merci les ports ukrainiens de Marioupol et Berdiansk situés sur la mer d’Azov, à l’arrière.

Quelles sont les règles applicables à la navigation en mer?

Le droit maritime a été fixé par une convention des Nations Unies adoptée le 10 décembre 1982 à Montego Bay, en Jamaïque.

Des zones définies au départ des côtes ont été délimitées afin de déterminer les degrés de souveraineté des États à mesure que l’on s’éloigne du territoire national: les eaux territoriales (12 milles marins des côtes, soit 22,2 kilomètres), la zone contiguë (24 milles), la zone économique exclusive (24 à 200 milles) et les eaux internationales (plus de 200 milles).

Les eaux territoriales sont les plus souvent sujettes à des conflits diplomatiques, un pays accusant un autre d’être entré sur son territoire, sur lequel il est souverain et « peut donc faire absolument ce qu’il veut », explique Joseph Hardouin, ancien commandant de la marine marchande.

Néanmoins, la convention prévoit un « droit de passage inoffensif », permettant à tous les navires, quelle que soit leur nationalité, de naviguer dans les eaux territoriales dès lors qu’ils ne menacent pas la paix de l’Etat côtier.

Comment s’organise le passage des détroits?

Les détroits sont des bras de mer entre deux côtes rapprochées et mettant en relation deux étendues marines ou océaniques. Par exemple, le détroit de Gibraltar, situé entre l’Espagne et le Maroc, fait communiquer l’océan Atlantique et la mer Méditerranée.

Les détroits sont souvent des passages hautement stratégiques, au coeur de la navigation internationale. Ils sont donc « particulièrement ciblés lors des conflits », explique Joseph Hardouin, citant le détroit des Dardanelles en Turquie lors de la Première Guerre mondiale.

« En général les Etats s’entendent », précise toutefois l’ancien commandant. Le franchissement d’un grand nombre de détroits est réglé par des conventions entre les Etats présents à chaque extrémité du passage.

En l’absence de convention, c’est le « droit de passage inoffensif » qui s’applique, comme pour les eaux territoriales. « En pratique, c’est l’Etat qui contrôle le détroit qui décide. Si l’on vous demande de patienter, vous patientez. Et si l’on vous demande de payer, vous payez », raconte M. Hardouin.

Quelle est la situation en mer d’Azov?

La mer d’Azov, bordée par l’Ukraine et la Russie, est reliée à la mer Noire par le détroit de Kertch. Deux ports ukrainiens se trouvent sur les rives de la mer d’Azov: Marioupol et Berdiansk. Ils sont d’une importance cruciale pour les exportations de céréales ou d’acier produits dans l’est du pays.

Depuis 2003, des tensions sont nées autour du contrôle du détroit, pourtant réglé par un accord entre les deux pays. Et tout a changé depuis l’annexion par la Russie en 2014 de la Crimée, qui était jusqu’alors la partie ukrainienne du détroit.

En l’occurrence, l’arraisonnement de trois navires de la Marine ukrainienne par les forces russes, dimanche, s’est fait dans les eaux territoriales de la Crimée, juste avant le détroit. Le gouvernement russe argue d’une « provocation » et donc d’un droit de passage inoffensif non-respecté.

« Pour les Russes, à partir de ce moment, c’est simple. La Crimée est russe, donc ils ont désormais le total contrôle du détroit », résume Joseph Hardouin.

Pourtant, l’Assemblée générale de l’ONU refuse de reconnaître l’annexion de la Crimée, qui est considérée comme ukrainienne –et les Ukrainiens s’estiment chez eux.

« On a donc deux visions qui s’opposent et le droit maritime n’est plus applicable. C’est la loi du plus fort », relève Joseph Hardouin.

L’Ukraine accuse le président russe Vladimir Poutine de vouloir « occuper la mer d’Azov ». Et 35 navires ukrainiens sont bloqués à l’entrée du détroit, selon le ministre ukrainien des infrastructures, Volodimir Omelian, qui dénonce un « blocus de fait » de la Russie.

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