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Mali : qui sont les rebelles touareg?

Le conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce mardi pour examiner la situation. Les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest brandissent la menace d’une intervention militaire. Un embargo a été décidé contre les militaires au pouvoir à Bamako. Mais qui sont les Touareg qui ont, depuis janvier, pris une à une les villes du nord du Mali et se sont emparés de Tombouctou dimanche? Explications.

Pourquoi le Mali est-il coupé en deux?

Avec la chute de Tombouctou, dimanche, les rebelles touareg ont pris le contrôle de la quasi-totalité du nord du Mali, quelques heures après la prise de Gao, la capitale régionale. C’est le 17 janvier que les insurgés avaient lancé leurs premières attaques sur des villes du nord du pays: Ménaka, Aguelhok et Tessalit.
Quel rapport avec le coup d’État du 22 mars?
Ce soulèvement est l’une des causes du putsch contre le président Amadou Toumani Touré, accusé d’avoir été incapable d’endiguer l’offensive touareg. Pourtant les militaires putschistes n’ont pas résisté à l’avancée des Touareg qui ont pris Gao, principale ville du nord, samedi 31 mars, avant de s’emparer, dimanche, de Tombouctou, dernière ville de cette région du Mali encore sous contrôle gouvernemental.

Qui sont les rebelles qui ont pris les armes?

Parmi les insurgés qui ont attaqué les villes du nord figurent des membres du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), organisation politico-militaire sans leader connu, née fin 2011 de la fusion de plusieurs groupes rebelles, et selon Bamako, d’anciens combattants de Libye. En outre, ajoutent certaines sources, des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont présents au sein de la rébellion, ce que le MNLA, d’obédience laïque, dément régulièrement.

Des supplétifs de Kadhafi de retour au pays après la chute du guide libyen

Après la chute de Kadhafi en 2011, des centaines de Touareg lourdement armés sont rentrés dans le nord du pays (Lire Les armes de Kadhafi, un legs mortel pour l’Afrique).
Certains de ces hommes ont intégré le processus de paix offert par le gouvernement du président Amadou Toumani Touré, tandis que d’autres l’ont rejeté.

Qui sont les Touareg?

Il s’agit d’un peuple nomade vivant d’élevage et de commerce. Les Touareg sont estimés à 1,5 million de personnes réparties sur le Mali, le Niger, l’Algérie, mais aussi la Libye, le Burkina Faso et la Mauritanie. Leur langue commune, le tamasheq, est apparentée à la langue berbère. Seul peuple africain avec le peuple éthiopien ayant sa propre écriture, ils sont caractérisés par le port d’un voile teinté d’indigo, d’où leur surnom « d’hommes bleus ».
Au Mali, ils ne sont majoritaires que dans la portion du pays située au nord du fleuve Niger. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) revendique l’autodétermination et l’indépendance de l’Azawad qui correspond aux trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et Gao.

Des nomades bousculés par l’histoire

Pendant des centaines d’années, les Touareg ont dominé le commerce transsaharien. Mais plusieurs évolutions ont mis en danger leur mode de vie, selon le site d’analyse stratégique Stratfor: la création de frontières, l’urbanisation et la désertification, ainsi que le développement du commerce maritime.
Ils deviennent peu à peu les plus déshérités de la région du Sahel et du Sahara. Ayant refusé la scolarisation pendant la colonisation, leur position est affaiblie au moment des indépendances. « Le retard de développement très important entre le nord et le sud a justifié le soutien du gouvernement et des ONG au Nord Mali. Mais dans les faits, cela n’a pas suffi à combler l’écart entre les deux régions » , expliquait Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des Mondes africains (CEMAF), à l’Express en février (Lire Le spectre de la division touareg).

Menacés par la désertification

La désertification réduit en particulier les espaces de pâturage des Touaregs qui se retrouvent en conflit avec les fermiers non touareg… lesquels, de leur côté, réclament des terres longtemps utilisées par les Touareg lors de leurs déplacements.
Les famines de 1973-74 et de 1984-85 voient la disparition de leurs troupeaux et des milliers de jeunes Touaregs migrent alors vers les villes, l’Algérie ou la Libye, où Mouammar Kadhafi en incorpore plusieurs milliers dans son armée. Une décennie plus tard, nombre de ces exilés, contraints au rapatriement, rejoignent des mouvements réclamant autonomie et développement contre les pouvoirs centraux malien et nigérien.

Un accord de paix mal appliqué

Au Mali, les Touareg entrent en rébellion en 1990. Cette « guérilla des sables » dure plus de cinq ans et fait plusieurs centaines de victimes et des milliers de déplacés. Bamako obtient un accord de paix, qui aboutit à une décentralisation assortie d’une large autonomie de gestion, et permet le désarmement des combattants et leur intégration au sein de l’armée, les corps paramilitaires et la fonction publique.

Mais faute d’application des accords -qui prévoyaient entre autres, la démilitarisation de la zone Nord-, plusieurs ex-leaders de l’armée malienne reprennent les actions armées et l’engrenage des violences finira par aboutir à la prise de contrôle de la moitié nord du pays par ces rebelles qui ont troqué les chameaux pour les 4×4.

Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit mardi au sujet de la crise au Mali.

Les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest brandissent la menace d’une intervention militaire. Un embargo a été décidé contre les militaires au pouvoir à Bamako.

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir mardi, à la demande de la France, afin d’examiner la crise au Mali. Un diplomate occidental affirme que les quinze pays membres du Conseil doivent y adopter une déclaration sur la situation. Le Conseil doit « réagir de façon énergique face à l’effondrement du gouvernement et la chute des trois villes du Nord », a expliqué ce diplomate.
Le Conseil de sécurité pourrait être saisi, par Paris, des éventuels « besoins » de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) pour régler la crise. Peu avant, cette organisation avait décidé un « embargo total » contre la junte et « la mise en place immédiate » de sa force militaire. Lundi matin, la France et la Belgique ont conseillé officiellement à leurs ressortissants de quitter le Mali. « La situation se dégrade très rapidement ».

LeVif.be avec L’Express

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