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Mali : compromis en vue pour une transition et des élections

La Cédéao évoque une transition possible au Mali, une semaine après le coup d’Etat. Les putschistes ont mis en place une Constitution temporaire et ont exclu de se présenter eux-mêmes au futur scrutin présidentiel.

Après les opposants au putsch militaire au Mali, c’est au tour de ses partisans de manifester à Bamako. Des milliers de personnes ont marché ce mercredi dans la capitale pour soutenir la junte militaire qui a renversé il y a six jours le président malien Amadou Toumani Touré (ATT). Sur leurs banderoles: « A bas ATT », « A bas la France », « A bas Sarkozy », « A bas la communauté internationale » ou encore « Vive la junte ». Ils scandaient également des slogans en hommage au chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo: « Sanogo solution! » répondait ainsi au « Sanogo, dégage! » des opposants.

Le rassemblement a été organisé par le Mouvement populaire du 22 mars (M22), favorable aux mutins, créé par le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi). Ce parti d’opposition ultra-minoritaire est le seul à avoir répondu à l’appel de la junte, en quête de soutien en début de semaine. La quasi-totalité de la classe politique lui reste opposée.

Une transition puis des élections ?

Cette manifestation a lieu au lendemain de plusieurs annonces faite par la junte: la levée du couvre-feu en vigueur depuis le 22 mars, la mise en place d’une nouvelle Constitution et la promesse qu’aucun de ses membres ne briguerait la présidence lors des élections initialement prévues le 29 avril. Les quelque 70 articles de « l’acte fondamental » doivent être en vigueur durant la transition, vers laquelle le pays se dirige.

Un compromis sur une transition avant ce scrutin semble en effet en vue. Le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, a déclaré sur RFI que les dirigeants de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), réunis mardi en sommet à Abidjan, envisageaient « une transition » qui serait dirigée par Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale dissoute par les putschistes.

Une délégation de chefs d’Etat ouest-africains conduite par l’Ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de la Cédéao, doit aller ce jeudi à Bamako pour en discuter avec la junte afin d’assurer dans les plus brefs délais un retour à l’ordre constitutionnel. Le sommet, qui a suspendu le Mali de la Cédéao, a également autorisé « la montée en puissance de sa force pour parer à toute éventualité » et « préserver l’intégrité territoriale du Mali ». Le président burkinabé Blaise Compaoré a été nommé médiateur.

ATT écarté pour de bon

Dimanche, le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt avait déjà évoqué une transition en soulignant que la Constitution malienne, suspendue par les militaires au pouvoir, prévoit qu’en cas d’empêchement du chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim.

Cette solution écarterait tout retour du président ATT, qui était au pouvoir depuis 2002 et avait de toute façon annoncé depuis longtemps qu’il ne briguerait pas de troisième mandat lors du scrutin présidentiel, en dépit de la reprise d’une rébellion touareg mi-janvier dans le nord du pays.

Le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE, junte) a affirmé avoir pris le pouvoir pour mettre un terme à « l’incompétence » du régime ATT dans la lutte contre cette rébellion et les activités de groupes islamistes armés dans le nord (Aqmi), en pleine recrudescence depuis début 2011, après la révolution en Libye voisine.

Le président Touré « à Bamako » et « pas prisonnier »

Le président malien Amadou Toumani Touré a affirmé mercredi qu’il était actuellement « à Bamako » et « pas prisonnier ». « Je suis bien à Bamako, et Dieu merci ma famille et moi nous nous portons tous bien », a affirmé lors d’une courte conversation téléphonique avec un journaliste de l’AFP le chef de l’Etat sortant, dont ignorait quel était le sort exact depuis le putsch du 22 mars par des militaires.

Interrogé sur le lieu où il se trouve actuellement, le président ATT a répondu: « est-ce bien la peine? Ce qui est important de savoir, c’est que je ne suis pas prisonnier ».

« Je suis bien évidemment ce qui se passe. Je souhaite de tout mon coeur que la paix, la démocratie, triomphe au Mali. Je n’ai rien d’autre à dire pour le moment », a-t-il ajouté.

Le sort exact du président Touré alimente depuis une semaine toutes les incertitudes, alors qu’on ignorait sa localisation exacte, et s’il était prisonnier des mutins ou s’il restait sous protection de soldats loyalistes.

Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, avait assuré qu’il se portait bien et était « en sécurité », sans donner aucune autre précision.

« Ce qui a été fait peut être défait »

Le coup d’Etat a été unanimement condamné par la communauté internationale. « Il est encore temps de défaire ce qui a été fait, d’autoriser le retour à un gouvernement civil et de discuter, calmement, avec le gouvernement », a déclaré à des journalistes la porte-parole de la diplomatie américaine, Victoria Nuland. Le message envoyé à la junte est en substance: « Chaque jour que vous passez à essayer de diriger le pays est un jour que vous ne passez pas à protéger le Mali des attaques qu’il subit, en particulier celles venant des (rebelles) touareg et d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique, ndlr) ».

Mercredi, le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a de son côté affirmé que « les changements anticonstitutionnels de gouvernement, accompagnés de violence, peuvent avoir un impact dévastateur sur la situation des droits de l’homme ». « Le Mali a également une bonne pratique en matière d’élections démocratiques au cours des deux dernières décennies et j’espère qu’il reviendra sur cette voie dès que possible ».

Le Vif.be, avec L’Express.fr

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