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Mais que s’est-il passé à Ferguson ? Retour sur l’affaire Brown

Muriel Lefevre

C’est une étrange journée qui a pris fin dans les flammes et les pillages dans la ville américaine de Ferguson. La fin des poursuites contre l’agent Darren Wilson a été considérée comme un affront pour ceux qui soutiennent le fait que Michael Brown est une victime. Retour sur cette affaire qui secoue l’Amérique.

La décision du Grand Jury, un jury populaire n’est pas vraiment une surprise. Néanmoins le jury, composé de 9 blancs et de 3 noirs, était en délibération depuis vendredi. Ce qui pouvait laisser supposer que l’agent blanc Darren Wilson pouvait être reconnu coupable. Mais rien de tel, puisque le jury a finalement décidé de prononcer un non-lieu et de mettre fin aux poursuites. Il n’en fallait pas plus pour remettre le feu aux poudres dans cette affaire ultra sensible qui avait déjà secoué l’Amérique cet été.

Deux versions

L’origine des tensions provoquées par ce fait divers vient du fait que deux versions diamétralement opposées circulent.

Dans la première, le policier Darren Wilson aurait agi en légitime défense après avoir été frappé par le jeune homme qui aurait tenté de lui prendre son arme. La seconde, basée sur d’autres témoignages, affirme que Michael Brown aurait été tué de sang-froid par le policier alors qu’il n’avait pas d’arme et les mains en l’air. D’autres témoins avançant même qu’on lui avait tiré dans le dos.

Voilà pour les deux versions. Cependant, les témoignages les plus virulents à l’encontre du policier avaient été mis en doute, ébranlant grandement leur véracité. De même que le rapport des médecins légistes contredisait les coups de feu dans le dos.

Le Grand Jury a donc cru à la déclaration de l’agent. Pour rappel celui-ci a déclaré avoir eu peur de Michael Brown, un homme très agressif plus grand d’une tête et qui faisait le double de son poids. Brown lui aurait donné deux grands coups dans le visage avant de claquer la porte sur lui. En réponse, le policier aurait alors blessé Brown avant que ce dernier ne fasse mine de s’éloigner. C’est alors que Brown a brutalement fait demi-tour pour se jeter à nouveau sur lui. Lorsqu’il était à 2 ou trois mètres, l’agent, dans un état de légitime défense, tire les coups de feu fatals. L’autopsie confirmera d’ailleurs cette version.

Pour tenter d’éclaircir les circonstances de l’altercation et le déroulement des événements, le grand jury a entendu une soixantaine de témoins, consulté trois médecins légistes et examiné des centaines de photos et de preuves. Malgré ça, il reste très difficile de trouver la vérité précise le procureur McCulloch. Cependant aucun élément ne permet d’inculper le policier. L’affaire n’en reste cependant pas là puisque selon le ministre américain de la justice, Eric Holder, une enquête fédérale et indépendante se poursuit.

L’escalade

Le fait que le procureur ai décidé de ne révéler les résultats de la décision du grand jury qu’en début de soirée, alors que celle-ci avait été prise plus tôt, reste un mystère. Car le fait qu’il fasse déjà nuit a stimulé les réactions violentes et les pillages.

Après l’annonce du verdict, la mère de Michael Brown, qui se tenait devant le commissariat de Ferguson avec quelque cinq cents personnes, a éclaté en sanglots. Avant de se retirer, la famille avait auparavant lancé un poignant message « Nous sommes profondément déçus que le tueur de notre enfant ne doive pas subir les conséquences de ses actes. Nous comprenons que vous êtes nombreux à partager notre peine, mais nous vous demandons d’utiliser cette frustration pour construire quelque chose de positif. Il nous faut travailler ensemble à réparer ce système qui a permis que cela arrive. Rendons possible le fait que les policiers puissent porter des caméras corporelles. Nous vous le demandons de protester pacifiquement. La violence comme réaction à la violence ne sert à rien. Ne faisons pas simplement du bruit. Tentons de changer les choses. »

Ce message ainsi qu’une intervention d’Obama n’ont pourtant pas empêché des incidents. Les voitures de police ont été les premières cibles. La police, qui jusque-là, était restée relativement stoïque a sorti les gaz lacrymogènes et des balles à blanc. Des manifestants ont brisé les devantures de magasins et détruit des installations publiques. Plus tard ce fut le tour des pillages et des incendies. Des coups de feu ont aussi été entendus et les pompiers ont déserté la zone après avoir subi des agressions.

Le contexte

Lorsque Brown a été abattu le 9 août dernier, l’affaire avait tout du parfait exemple de la bavure d’une police raciste. L’histoire a depuis été nuancée. Brown aurait volé des cigarettes en menaçant et frappant un épicier quelques minutes avant l’altercation avec la police. Il aurait ensuite eu une réaction similaire face au policier. Une attitude pouvant effectivement placer le policier en état de légitime défense. C’est donc cette option que le Grand Jury a choisi de suivre. Se mettant de facto en porte à faux avec les manifestants qui s’en tenaient dans leur grande majorité à la version qui stipulait qu’un agent de police raciste avait abattu un jeune désarmé. Renforçant dans la foulée, l’idée qu’un procureur blanc, aidé par un jury majoritairement blanc, a poussé à la relaxe de l’agent.

Selon les experts, le Grand Jury aurait pu, en se basant sur d’autres témoignages, tirer d’autre conclusion. De même que l’on peut légitimement se demander si une réaction agressive du jeune homme méritait qu’on l’abatte. « L’agent n’est-il vraiment coupable de rien? », se demandent de nombreux habitants modérés de Ferguson. Des questions désormais mises de côté suite aux pillages, qui selon tous les commentateurs sont l’oeuvre des jeunes du coin et pas de causeur de troubles venu d’ailleurs.

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