Fiona Ben Chekroun

L’occupation israélienne: « un rappel constant que ton pays ne t’appartient pas »

Fiona Ben Chekroun Collaboratrice gestion de programme, M3M "Tous ensemble pour la santé".

Cette semaine nous commémorons les 50 ans d’occupation de la Palestine par Israël. Cinquante longues années d’illégalité, d’injustice, d’impunité, de lutte, de résistance et d’espoir. A cela s’ajoute la commémoration des 10 ans du blocus de la bande de Gaza.

Il y a un mois de cela, je me trouvais dans cette prison à ciel ouvert. Coincées entre un mur immense et la mer Méditerranée, les presque 2 millions d’âmes vivant à Gaza sont privées de liberté. Parmi elles, presque 70% sont âgées de moins de 25 ans. Cela fait de Gaza un « ghetto de jeunes ». L’expression frappe mais reflète une réalité peu reluisante. Nous sommes en 2017 et pour près de 1.4 millions d’enfants gazaouis, le quotidien se traduit par une prison permanente. « Tu as un rôle de témoin. Tu dois montrer au monde ce que le peuple de Gaza vit au quotidien ». Cette phrase de mon ami Badr résonne encore dans ma tête. Alors je prends la plume et je me fais relais de leur souffrance et leur résistance.

Une question de survie

Les Gazaouis survivent: ils mangent, prient et aiment. C’est à la fois leur force et leur fardeau. Après tout, comment peut-on vivre avec 4 heures d’électricité par jour? Comment peut-on vivre sans argent pour reconstruire sa maison, détruite pour la troisième fois après la dernière offensive israélienne de 2014? Comment peut-on vivre sans travail ni allocation de chômage pour nourrir sa famille? Comment peut-on vivre avec le bruit omniprésent des drones israéliens survolant sa maison? Comment peut-on vivre alors que son enfant malade s’est vu refusé le visa israélien pour exceptionnellement sortir de Gaza et se faire soigner à Tel Aviv ?

Non, les Gazaouis ne vivent pas, ils survivent. Ils espèrent aussi: un jour, Gaza redeviendra libre. Alors Mohamed pourra visiter le Japon et assouvir sa passion pour les mangas, Nasser pourra revoir sa soeur après 10 ans de discussions téléphoniques et Rafeef pourra enfin aller à Gaza pour la première fois.

Une jeunesse palestinienne en quête de sens

Mon ami Adam n’a que 28 ans mais son activisme lui a déjà coûté 2 années d’arrestation administrative dans une prison israélienne. Sans procès et sans autorisation de voir sa famille plus d’une fois par mois. Il avait 17 ans. Un jour il m’a dit « on n’est plus jamais le même quand on vit ce que j’ai vécu en prison ». Ce sentiment est certainement partagé par les quelques 300 enfants palestiniens qui sont en prison en ce moment-même.

Pourtant, loin de l’avoir brisé, cette expérience l’a renforcé dans sa résistance contre l’occupation. Aux côtés d’autres jeunes, il lutte pour une société plus juste, plus égalitaire et plus libre. Son combat pour une Palestine indépendante et son engagement malgré les nombreux risques est une sacrée leçon de dignité.

L’impuissance à l’état brut

Bachir est directeur d’un centre de santé à Hébron. Cette ville, située au Sud de la Cisjordanie, est le spectacle d’affrontements quotidiens entre colons israéliens extrémistes et habitants palestiniens de la vieille ville. En m’y rendant, je me suis sentie oppressée; il y avait des grillages en fer pour protéger les passants. Bachir m’a expliqué que les soldats et les colons israéliens jettent régulièrement des pierres, des déchets et des eaux usées sur les passants, d’où l’intérêt de ces grilles.

En l’espace de 150 mètres, nous avons traversé 3 check-points. A l’un d’eux, une militaire nous a demandé « êtes-vous musulmans? ». Bachir a répondu que oui, ce qui a directement fait jaillir une réponse sans aucune ambiguïté possible: « Alors, vous n’êtes pas autorisé à vous rendre dans cette rue ». Plus tard, Bachir m’a précisé que « c’est cela l’occupation israélienne de la Palestine: un rappel constant et quotidien que ton pays ne t’appartient pas. Que ta liberté physique n’est qu’une illusion ». Je me suis sentie impuissante.

Jérusalem: l’étouffement progressif

Annexée illégalement par Israël en 1967, Jérusalem se voit petit à petit dépouillée de son identité palestinienne. D’année en année la situation s’empire et l’injustice reste impunie: des maisons palestiniennes sont détruites, les activités culturelles sont réprimées, les jeunes Palestiniens sont harcelés. Farah m’a avouée qu’elle ne se sentait plus en sécurité : « quand je passe un check-point, j’ai peur car je sais que tout peut arriver. Ils pourraient me tirer dessus sans que rien ne les en empêchent ». Farah a 26 ans et est née dans le Nord d’Israël. Elle a dû se battre pour conserver son identité palestinienne: « il y a certains jeunes qui ne se sentent plus Palestiniens. Ils ne connaissent pas leur propre culture et leur propre histoire parce qu’on ne l’apprend pas à l’école et que certains parents ont peur d’en parler à la maison ».

La complicité de la communauté internationale

L’Etat d’Israël commet au quotidien des violations flagrantes des droits humains et du droit humanitaire international et cela, dans la plus parfaite impunité. La Belgique, l’Union européenne et l’ensemble de la communauté internationale se font complice de ces violations en n’appliquant aucune sanction d’ordre pénal, politique ou économique à l’encontre de l’Etat israélien.

La Belgique commerce avec Israël, y compris via l’achat d’équipements testés en zone de guerre – à savoir sur les habitants de Gaza. Des entreprises internationales comme Caterpillar, G4S ou HP tirent profit de l’occupation. Notre pays collabore officiellement avec des universités et des ministères israéliens, notamment au sein du projet Law Train qui porte sur des techniques d’interrogatoire et dans lequel l’ « expertise » d’Israël en la matière est mise en avant. De telle sorte, nous laissons faire et encourageons un Etat qui viole impunément le droit international.

De la mobilisation aux actions concrètes!

J’imagine votre colère mais aussi votre sentiment d’impuissance. Je l’ai moi-même ressenti à de nombreuses reprises. Toutefois, je continue à croire que le pessimisme n’a pas sa place ici. Le 28 avril dernier, le conseil communal de Molenbeek votait une motion qui exclut des marchés publics les entreprises qui bafouent le droit international. Bye bye à l’entreprise G4S et d’autres qui sont impliquées dans l’occupation de la Palestine!

Cela fut rendu possible grâce à une intense mobilisation populaire. Ce sont des actions pareilles qui montrent que la résistance en Belgique continue. Etre solidaire avec le mouvement social Palestinien et soutenir la jeunesse palestinienne reste fondamental. Tout comme sont fondamentales la mobilisation sociale et les pressions sur nos gouvernements afin qu’ils prennent des mesures qui contraignent enfin Israël à respecter les droits des Palestiniens et Palestiniennes.

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