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L’idée bien gardée de l’Etat-major israélien pour Gaza : « Une manière de les punir encore plus »

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Si l’offensive terrestre d’Israël est une certitude, le sort réservé à la bande de Gaza une fois le Hamas affaibli (éradiqué ?) demeure brumeux. Une option bien précise pourrait toutefois être privilégiée par Tsahal, selon le chercheur Didier Leroy (ERM). Migraine tenace en perspective, tant pour l’Etat hébreu que pour la communauté internationale.

Que va faire Israël de Gaza une fois son offensive terminée ? C’est la principale « migraine » déjà redoutée par toute la communauté internationale, alors que l’opération terrestre de Tsahal (l’armée israélienne) débute à peine.

Double but

Une chose est certaine : les forces israéliennes ne lésineront pas sur les moyens pour atteindre leur objectif principal : l’éradication de l’organisation terroriste du Hamas. « Tsahal se sent obligé de rentrer dans Gaza étant donné la gravité de l’attaque du 7 octobre et le nombre d’otages qui ont été retenus », cadre le chercheur militaire Didier Leroy (ERM), expert du Moyen-Orient. Même si le monde est fortement polarisé sur la question, la fenêtre d’opportunité pour frapper le Hamas est immanquable dans l’esprit d’Israël. Il serait vraiment très surprenant de les voir changer d’avis. »

Pour le spécialiste, les frappes israéliennes ont un but double : détruire des cibles clairement identifiées ‘Hamas’, mais aussi toucher « la classe moyenne » qui est prise entre deux feux. En d’autres termes : ni les soutiens radicaux du Hamas, ni leurs opposants les plus farouches. « C’est une façon de faire monter la grogne populaire contre le Hamas auprès d’une catégorie de personnes qui s’étaient résignées à vivre de façon relativement normale, mais pour lesquelles ce n’est désormais plus le cas. »

Quelles options pour Gaza ?

L’option d’un siège militaire israélien à Gaza sur le long terme semble peu probable. « Rentrer dans Gaza est une chose, y rester en est une autre. Il est difficile d’imaginer l’armée israélienne occuper à nouveau la bande de Gaza pendant des années, tranche Didier Leroy. Ce serait un coupe-gorge à moyen terme. »

Que peut-on dès lors envisager ? « C’est la grande question : que va faire Tsahal quand il ressortira de la bande de Gaza ? La laissera-t-il dans son entièreté territoriale actuelle ? C’est une option, estime Didier Leroy. Par contre, permettre à Gaza de grandir n’en n’est clairement pas une. »

Une manière de punir sévèrement le Hamas, ce n’est pas tant de réduire les quartiers résidentiels à l’état de gravas, mais de rogner encore plus le territoire de Gaza.

Didier Leroy

Réduire le territoire de Gaza est une potentialité qui est peut-être à l’esprit de l’Etat major israélien. « Une manière de punir sévèrement le Hamas, ce n’est pas tant de réduire les quartiers résidentiels à l’état de gravas, mais de rogner encore plus le territoire de Gaza », analyse le membre de l’ERM. Et c’est techniquement faisable ».

Concrètement, Gaza est encerclée par des « panneaux » de béton posés sur le sol au nord, au sud, et le flan est. Ils sont accompagnés d’une barrière technique grillagée, équipée de caméras et de senseurs. « C’est un dispositif très onéreux et sophistiqué, mais facilement déplaçable. D’un point de vue israélien, ce serait sans doute ‘la’ manière de punir encore plus Gaza. »

Gaza
Les forces israéliennes vont-elles rogner le territoire de Gaza?

Gaza n’est pas qu’une zone surpeuplée

Selon Didier Leroy, il faut tordre le cou à stéréotype qui veut que Gaza ne soit qu’un territoire urbain surpeuplé. « La zone n’est pas comparable à la densité de population d’un capitale comme Paris ou New-York. Des zones agricoles et marécageuses font aussi partie de Gaza. Ce n’est pas qu’un continuum de bâtis. On peut donc très bien imaginer que Tsahal repousse la barrière technique en rognant sur des zones agricoles. »

On peut très bien imaginer que Tsahal repousse la barrière technique de Gaza en rognant sur des zones agricoles.

Didier Leroy

Pour le chercheur, la solution n’est cependant pas viable à long terme. « Cela enclencherait encore plus de promiscuité, plus de radicalisation et donc de plus de soutien pour le Hamas. Qui plus est, cette décision passerait extrêmement mal auprès de la communauté internationale. »

« Gaza est un piège qu’Israël s’est créé tout seul »

L’avenir du territoire gazaoui est donc plus que jamais indéfini. « Gaza est un piège qu’Israël s’est créé tout seul. A partit du moment où ils ont décidé d’emmurer la bande il y a environ 20 ans, ils ont de facto créé une enclave qui a pu tomber sous le contrôle du Hamas, grâce au blocus. C’est ce dernier qui rend le territoire gazaoui parfaitement contrôlable. Sans enclave, on multiplierait les acteurs possibles pour changer la trajectoire des citoyens. Or, on a désormais une génération de gazaouis nés dans cette enclave, et qui n’ont connu que la gouvernance du Hamas. Il est donc évident que cette génération est davantage pénétrée par l’idéologie que l’organisation terroriste », conclut Didier Leroy.  

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