Les migrants de l’Ocean Viking accueillis dans « une zone d’attente internationale » décriée

Le Vif

Le navire humanitaire Ocean Viking a quitté le port militaire de Toulon (sud), d’où les migrants à son bord ont vécu vendredi un débarquement inédit en France, avant d’être placés dans une « zone d’attente » fermée décriée par les défenseurs des exilés.

Après 20 jours en mer à la recherche d’un port sûr, les 234 migrants secourus entre les côtes libyennes et italiennes par l’ONG SOS Méditerranée ont tous pu être débarqués, 230 au port militaire de Toulon vendredi et quatre en Corse dans un premier temps, avant d’être transférés sur le continent.

L’Ocean Viking a rejoint provisoirementle port de la Seyne-sur-Mer (Var) après avoir quitté Toulon vendredi soir, ont indiqué à l’AFP la préfecture du département et l’ONG. 

Il restera quelques semaines en France pour une escale technique avant de repartir au large de la Libye pour reprendre ses sauvetages en Méditerranée centrale. SOS Méditerranée repartira en mer « parce qu’il y a eu plus de 20.000 morts depuis 2014 » en Méditerranée et « qu’on n’accepte pas que cette mer devienne un cimetière », a affirmé l’ONG.

Parmi les 234 rescapés, 189, dont 24 femmes et 13 mineurs, sont désormais dans un centre de vacances de la presqu’île de Giens, à une vingtaine de kilomètres de Toulon, transformé en « zone d’attente internationale ».

Cette dernière a été créée spécialement pour qu’ils ne soient pas considérés comme étant en France et il leur est interdit d’en sortir avant une première évaluation de leur demande d’asile.

Pour l’instant, chacun a indiqué son souhait de faire cette demande, d’après la préfecture. Ils devront passer par des contrôles de sécurité avant des entretiens avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dont les agents sont attendus samedi. 

Dans une déclaration commune « pour le plein respect des droits » de ces personnes, plusieurs organisations dont l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), la Ligue des droits de l’homme ou le Syndicat des avocats de France, ont condamné vendredi la création de cette « zone d’attente » et la « privation de liberté » qu’elle engendre.

« Droits » et « choix politique »

« Il n’y a pas les mêmes garanties sur les droits » pour les migrants que s’ils étaient sur le sol national, a déploré samedi auprès de l’AFP la directrice de l’Anafé Laure Palun, dénonçant un « choix politique » de la France. 

« L’accueil, ce n’est pas de l’enfermement« , a-t-elle affirmé.

Les 44 mineurs isolés qui étaient à bord de l’Ocean Viking ont, eux, été pris en charge par les services sociaux et relogés en dehors du centre de Giens. 

Premier des 230 migrants débarqués à Toulon vendredi à avoir été évacué du port militaire, un rescapé est toujours hospitalisé.

Au total, plus de deux-tiers des 234 personnes, soit 175, quitteront la France pour être relocalisées dans onze pays dont l’Allemagne qui doit en accueillir environ 80, le Luxembourg, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, la Lituanie, Malte, le Portugal, l’Irlande, la Finlande et la Norvège.

C’est la première fois qu’un bateau ambulance opérant au large de la Libye débarque des rescapés en France, ce qui a généré une crise diplomatique avec l’Italie, qui a refusé de l’accueillir.

L’ire de l’extrême droite française n’est pas retombée samedi. La figure du Rassemblement national et députée Marine Le Pen a dénoncé un « acte d’incitation » de la part du gouvernement qui pourrait attirer davantage de migrants. 

« Il faut s’attaquer aux passeurs »

« Il faut s’attaquer aux racines, (…) aux passeurs », a-t-elle prôné en marge d’une visite du Salon Made in France à Paris.

A l’opposé, la gauche, comme Jean-Luc Mélenchon, a vanté un « acte d’humanité« . 

Quatre pays méditerranéensde l’Union européenne ont par ailleurs dénoncé samedi le système de gestion des flux de migrants dans l’UE qui fait peser un poids prépondérant sur eux et ont demandé une intervention de la Commission européenne.

L’Italie, la Grèce, Malte et Chypre « en tant que pays de première entrée en Europe (…) se retrouvent à soutenir le poids le plus difficile dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée, dans le plein respect des obligation internationales et des règles de l’UE », indique une déclaration conjointe des ministres de ces quatre Etats ainsi que du ministre des Migrations grec publiée à Rome.

Les quatre ministres dénoncent l’idée que « les pays de première entrée puissent être les seuls points de débarquement européens possibles pour les immigrés illégaux » et pointent du doigt les ONG humanitaires dont les « navires privés agissent en totale autonomie par rapport aux autorités d’Etat compétentes ».

Ils exigent que chaque Etat qui accorde son pavillon à un navire humanitaire « exerce effectivement la juridiction et le contrôle » de ce dernier.

Rome, rejetant les critiques de Paris, a plaidé vendredi pour une « solution européenne ». Mais « en fait, il s’agit plus de mettre en œuvre une décision européenne déjà prise », a souligné auprès de l’AFP Virginie Guiraudon, spécialiste des questions de migrations du CNRS, rappelant qu’un mécanisme de « solidarité » européen a été adopté en juin.

Il prévoit qu’une douzaine d’Etats, dont la France, accueillent de manière volontaire 8.000 migrants arrivés dans des pays dits de « première ligne » comme l’Italie, mais à ce jour seuls 117 ont été relocalisés, suscitant la colère de Rome.

Depuis le début de l’année, 1.891 migrants ont disparu en Méditerranée, en tentant de rejoindre l’Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

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