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Les leaders européens face à Trump: « Viens, si tu oses »

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Merkel s’est montrée particulièrement remontée contre Trump. L’expert européen Steven Van Hecke y voit le signe d’un renforcement de l’axe franco-allemand, mais se pose tout de même des questions sur l’Union européenne à laquelle Merkel semble faire confiance.

Pour les dirigeants européens, le G7 de la semaine dernière s’est fini en pétard mouillé. Il semble que ce soit surtout le dossier sur le climat qui a posé problème. Le président américain a refusé de dire s’il allait ou non respecter l’accord de Paris et du coup on n’est pas parvenu à un accord. Les discussions autour de la problématique des réfugiés n’ont pas été plus aisées.

La chancelière allemande n’en a pas fait mystère et a ouvertement mis en doute les alliances d’antan.  » Les temps où nous pouvions aveuglément compter sur les autres sont quelque peu révolus, ces derniers jours en ont apporté la preuve flagrante a-t-elle dit.  » Nous Européens, nous devons prendre en mains notre destin. » Ces mots ont tout de suite été interprétés comme une pique envers Trump. « Elle était visiblement irritée, mais elle a aussi utilisé des termes comme « quelque peu » et « plus tout à fait compter » qui ont tout de même adouci le message. » dit Steven Van Hecke.

Cela ne change rien au fait que la teneur du message était limpide, non ?

Sa sortie était en effet un message qui ne prêtait pas à confusion. Angela Merkel n’est pas une débutante en politique. Elle sait ce qu’on va retenir de ce genre de déclarations. Il y a beaucoup de déception derrière ce sommet du G7 peu fructueux. Le commerce reste un problème entre l’Europe et les États-Unis. Lorsqu’elle s’est rendue à la Maison-Blanche, elle avait déjà très clairement fait savoir qu’il n’y aurait pas d’accord bilatéral avec l’Allemagne qui n’inclue pas l’Union européenne dans son ensemble.

Sa sortie est d’ailleurs en parfaite adéquation avec d’autres discours qu’elle a prononcés plus tôt cette année. Il est par ailleurs plus facile de revenir dessus maintenant que Macron s’est installé à l’Elysée. Merkel espère qu’elle a avec lui un partenaire fiable. Mais elle doit tout de même tenir compte de deux choses : Macron doit encore avoir une majorité à l’assemblée nationale et elle doit, elle-même, encore se succéder à son propre poste de Chancelière en septembre. Ceci dit, si l’on en croit les sondages, cela s’annonce plutôt bien pour le deux.

Merkel ne fut pas la seule à arborer une attitude virile envers Trump. Macron aussi s’est montré ferme à travers une poignée de main musclée.

Ces deux incidents n’auront probablement pas fait grande impression sur Trump. Ce qui n’empêche pas que ces deux évènements soient un message important en interne. Ce n’est pas un hasard qu’à la fois Merkel et Macron ont tenu leur discours devant leur propre électorat. C’est même un des signes distinctifs de ce printemps 2017. Alors qu’à la fin 2016, tout le monde semblait s’entendre à merveille pour faire front face au Brexit, nous retrouvons tout de même un regain de confiance en soi auprès des leaders européens.

La confiance reprend et des leaders pro-européens comme Donald Tusk et Merkel ne vont pas se cacher dans un coin pour broyer du noir. Après le début des négociations autour du Brexit la réaction face au Royaume-Uni était du genre : « viens si tu oses ». Les leaders européens adoptent le même genre d’attitude envers Trump.

Avec Merkel et Macron l’axe franco-allemand semble reparti de plus belle.

Ces dernières années le moteur franco-allemand n’était pas très performant. Nous devons retourner à la période Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour trouver un momentum qui aurait eu un véritable impact sur la politique européenne. Mais il est vrai que cela a beaucoup à voir avec la faiblesse de François Hollande. Je crois en la renaissance de l’axe franco-allemand, même si on ne doit pas directement en conclure que cela redonne un nouveau souffle à l’Europe. Cela va faire souffler un vent nouveau dans les relations entre les deux pays, mais il n’est pas dit que les autres pays applaudissent au balcon. L’Union européenne n’est plus celle des pays fondateurs. Lorsqu’il s’agit de, disons, le commerce ou la défense, je ne suis pas certain que les pays de l’Europe centrale soient très enthousiastes pour une plus importante intégration européenne.

Vous voulez dire que le « nous européen » dont parle Merkel n’existe pas ?

Oui, je le pense. Et ce n’est pas seulement les divergences avec l’Est. Il y a aussi – sur le terrain économique- celle entre le nord et le sud. Que les 27 pays membres arrivent à retrouver un nouvel élan me semble peu probable. Je pense que Merkel et Macron vont dans un premier temps se focaliser sur la zone euro, là où c’est un peu, mais alors un tout petit peu, plus facile de parvenir à un accord. Mais même dans la zone euro, il y a de nombreux problèmes. La Grèce par exemple en reste un.

L’Europe à plusieurs vitesses se rapproche-t-elle à grands pas ?

Une telle Europe existe déjà. Il existe déjà une asymétrie en Europe à cause de la zone euro, de l’espace Schengen et de toutes sortes d’exceptions. Après les élections allemandes, on verra sans doute les limites du tous ensemble et on élargira alors les différenciations européennes. Il y aura des accords et des collaborations plus soutenues entre petits groupes, mais il existera toujours l’option que cela soit possible dans le cadre d’une Europe élargie et que personne n’en soit exclu.

Il ne peut plus être une option que certains pays appuient sur la pédale de frein alors que d’autres veulent avancer. Dans la pratique tout le monde semblait d’accord sur le sujet. Mais aujourd’hui ce qui change, c’est qu’il semble qu’on ait aussi brisé ce tabou même dans les discours publics. Cela donne plus d’oxygène et ouvre des nouvelles pistes de collaboration au sein de l’Europe.

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