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Les démocrates divisés font trembler l’administration Biden

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Les réformes de Biden compromises en raison de tensions internes au sein du parti démocrate semblent marquer l’échec d’un gouvernement qui convulse sous la pression. Et si le Congrès a pu éviter in extremis la paralysie de l’État fédéral, ou tout du moins la repousser de quelques mois, tout doit encore se jouer.

Le Congrès américain a été le théâtre d’agitations ce jeudi 30 septembre. Fait plutôt rare : si l’on s’attendait à voir démocrates et républicains s’engager dans leur sempiternelle lutte de pouvoir, c’est au sein même du parti démocrate qu’un conflit a éclaté. Les troupes semblaient embourbées dans une guerre fratricide, en raison notamment d’une fronde de la gauche du parti.

Une journée décisive

Cette journée de fièvre marquait pourtant un tournant décisif pour l’administration Biden : des milliards de dollars ont été mis en jeu dans une partie d’échecs en trois dimensions.

  • Premier volet – le budget : il s’agissait sans aucun doute de la question la plus pressante, celle de financer le gouvernement avant minuit pour éviter sa fermeture. En cette journée de négociations, les deux chambres ont en effet dû se mettre d’accord sur l’élaboration d’une loi de finances provisoires. Si aucun budget n’est validé, l’État fédéral s’en trouve paralysé – on appelle cela le shutdown. Lors d’une fermeture, des centaines de milliers d’employés fédéraux ne sont plus payés et beaucoup d’entre eux cessent de travailler, certains services sont suspendus et plusieurs attractions touristiques ferment leurs portes…
  • Deuxième volet – la dette nationale : là encore, pas question de laisser traîner les choses. Le gouvernement doit relever le plafond de la dette nationale, une limite d’emprunt imposée artificiellement, avant une date limite estimée au 18 octobre. Après cette date, les États-Unis auront épuisé toutes les mesures exceptionnelles pour financer le budget du pays. «  Nous nous attendons à ce que le Trésor se retrouve avec des ressources très limitées qui s’épuiseraient rapidement « , avait annoncé la ministre des Finances, Janet Yellen dans une lettre adressée aux élus.
  • Troisième volet – loi bipartite sur les infrastructures : moins urgent, mais pas moins important aux yeux de Joe Biden, le gouvernement devait également voter un projet de loi pour financer la rénovation des infrastructures.Autre projet à financer, 3,5 milliards de dollars devront être investis pour étendre les services sociaux et s’attaquer à la crise climatique… Pour autant, ces deux points sont bloqués par les divisions entre les centristes démocrates et les progressistes, ainsi que par l’empressement des républicains à refuser à Biden une victoire.

Pas le droit à l’erreur

Cette journée représentait donc un enjeu de taille pour les démocrates qui auraient dû profiter de cette ouverture politique pour donner un sens historique à la présidence Biden. Le parti démocrate n’avait pas le droit à l’erreur. D’autant que si les démocrates détiennent la présidence et les deux chambres du Congrès, leurs marges dans ces dernières sont très minces. Le Sénat est en effet divisé à parts égales 50-50 entre démocrates et républicains – la vice-présidente, Kamala Harris, détenant le vote décisif. Les démocrates ont une marge de 220-212 à la Chambre des représentants et ne peuvent donc se permettre qu’une poignée de défections.

Or, ces divisions internes pourraient bien compromettre les plans de l’administration Biden. À commencer par le vaste plan d’investissements dans les infrastructures voulu par Joe Biden, dont le vote n’a pu avoir lieu. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Loi sur les infrastructures, source de désaccords

Il s’agit d’une des pierres angulaires du programme de Joe Biden : investir 1,2 milliard de dollars dans les routes, les chemins de fer, les ponts, les ports, les aéroports, l’Internet à haut débit et plus encore.

Ce plan d’investissements dans les infrastructures – l’un des plus importants de l’histoire américaine – avait été approuvé par le Sénat début août avec, fait rare, le soutien d’un tiers des républicains en plus des démocrates. Même si depuis lors, les républicains de la Chambre se sont éloignés du projet de loi, dans le but de refuser à Biden une victoire.

Mais après des heures de négociations frénétiques, les chefs démocrates du Congrès américain ont finalement reporté le vote attendu jeudi, faute d’être parvenus à un accord entre l’aile gauche du parti et les plus centristes.

La source du conflit ? La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a dû faire face à une révolte d’un groupe influent de démocrates progressistes. L’aile gauche du parti est en effet furieuse de ne pas avoir reçu la confirmation de l’approbation du volet social, d’un montant titanesque de 3.500 milliards de dollars. Elle redoute donc que, une fois que les démocrates centristes auront l’infrastructure dans leur poche, ils se refroidissent sur ce plus grand engagement.

Accord in extremis sur le budget

Mais malgré ces désaccords, le président américain Joe Biden a pu signer jeudi, quelques heures avant l’échéance, un budget temporaire qui évite la paralysie des services fédéraux, a annoncé la Maison-Blanche dans un communiqué. Ce texte prolongeant le budget actuel jusqu’au 3 décembre a été adopté par la Chambre des représentants et le Sénat avec des majorités confortables.

Ce projet de loi prévoit une aide pour les communautés durement touchées par les ouragans, les incendies de forêt et d’autres catastrophes naturelles, ainsi que des fonds pour aider les réfugiés afghans. Mais cela a eu un prix, car les démocrates ont été contraints de retirer le projet de loi de financement à court terme qui aurait relevé le plafond de la dette.

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