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Le Qatar mis à l’isolement

Le Vif

L’isolement du Qatar peut durer « des années », a prévenu lundi un haut responsable des Emirats Arabes Unis qui exigent avec leurs alliés arabes que ce petit pays renonce à son soutien aux « jihadistes » et aux islamistes radicaux pour lever leurs sanctions.

« Nous ne voulons pas d’escalade, nous voulons isoler le Qatar. Nous misons sur le temps », a expliqué à Paris le ministre d’État émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, à plusieurs médias dont l’AFP.

Les Emirats, l’Arabie saoudite et Bahrein ont depuis deux semaines rompus leurs relations diplomatiques avec le Qatar, comme ils ont fermé leurs frontières terrestres et maritimes avec le richissime émirat gazier et lui ont imposé de sévères restrictions aériennes.

Il exigent que Doha « change de politique » pour lever leurs sanctions, a ajouté le ministre, exprimant l’espoir que « des personnalités sages au Qatar, même au sein de la famille régnante », fassent pression sur l’émir, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, en ce sens.

M. Gargash a accusé le petit émirat d’avoir « construit une plateforme sophistiquée de soutien financier, médiatique, et politique » des islamistes radicaux et d’abriter plusieurs de leurs dirigeants.

« Nous avons une occasion en or de casser ce soutien », a soutenu le ministre pour justifier les sanctions, en vertu desquelles les Qataris doivent quitter à partir de lundi les trois pays du Golfe. Les citoyens saoudiens, bahreinis et émiratis installés au Qatar doivent faire de même.

Il a en particulier accusé le Qatar de « soutenir financièrement des groupes liés à Al-Qaïda en Syrie », comme l’ex-Front Al Nosra, « en Libye, comme le conseil de la Choura de Derna et celui de Benghazi, et au Yémen ».

Le ministre a indiqué que l’Arabie saoudite, les Emirats, Bahreïn et l’Egypte soumettraient « dans les prochains jours » au Qatar une liste de leurs demandes, qui comprendraient l’expulsion de personnalités radicales, sans plus élaborer.

Mais il a réclamé la mise en place par les Occidentaux d’un « mécanisme de surveillance » pour s’assurer que l’émirat du Golfe respectera bien ses engagements.

« Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne ont le poids politique et l’expertise technique pour instaurer un tel mécanisme de surveillance », a ajouté le ministre des Emirats, dont le prince héritier, cheikh Mohammed Ben Zayed, doit être reçu mercredi à Paris par le président français Emmanuel Macron.

Base américaine

M. Gargash a souligné que son pays et ses alliés avaient décidé ces mesures contre le Qatar après avoir constaté chez le président Donald Trump, lors du sommet de Ryad en mai, un engagement à « faire de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme une priorité », contrairement à l’administration précédente.

Mais il a précisé que les pays du Golfe s’étaient engagés auprès des Etats-Unis à ce que « la base américaine d’Al-Udeid continue à fonctionner normalement » et ne soit pas affectée par la crise.

La base aérienne d’Al-Udeid, qui héberge près de 10.000 soldats américains au Qatar, joue un rôle primordial dans les opérations contre le groupe Etat islamique (EI).

Dans ce contexte tendu, le ministre qatari de la Défense a annoncé lundi que des troupes turques se trouvaient au Qatar où elles participent à des exercices conjoints.

La Turquie entretient des rapports privilégiés avec Doha et son Parlement a approuvé le 7 juin la mise en oeuvre d’un accord datant de 2014 permettant le déploiement de troupes sur une base turque au Qatar.

M. Gargash a en outre révélé que la goutte qui a fait déborder le vase pour les pays du Golfe a été le paiement par le Qatar d’une énorme rançon à des « groupes terroristes » pour faire libérer en avril des membres de la famille royale enlevés en Irak.

Ces Qataris avaient été kidnappés en décembre 2015 lors d’une partie de chasse dans le sud de l’Irak, et étaient selon certaines informations aux mains des milices chiites proches de l’Iran.

Selon une source proche des négociations, leur libération était liée à un accord ayant conduit à l’évacuation de plusieurs villes assiégées en Syrie.

« Dans le cadre de cet accord complexe, les Qataris ont payé au moins 300 millions de dollars à des organisations terroristes sunnites et chiites en Irak et en Syrie », a dit M. Gargash.

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