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Le kopimisme va-t-il envahir le monde ?

Reconnu par l’Etat suédois comme religion officielle, le kopimisme, prônant la liberté de partage des informations, prêche sa bonne parole à travers le monde. Le Parti pirate, son pendant politique, a déjà ses premiers élus et espère faire une percée en Belgique.

« L’information est sacrée, le code est la loi, copier est un sacrement. » Ne vous moquez pas : en Suède, vous pourriez être taxé de blasphémateur par les adeptes du kopimisme (dérivé de l’anglais « copy me ») pour avoir critiqué leurs principes. Depuis l’an passé, les pirates du Web ont leur religion reconnue officiellement par l’Etat scandinave !

Isak Gerson, 21 ans, chef spirituel de l’organisation et étudiant en philosophie installé dans la ville universitaire d’Uppsala, invite à rejoindre la Kopimistsamfundet (communauté du kopimisme) qu’il définit comme « une philosophie s’opposant aux droits d’auteur sur toutes ses formes et encourageant le piratage de tous les types de médias comme la musique, les films, les émissions TV et les logiciels ». Le kopimisme, qui revendique 5 000 membres dans le monde, entend convertir d’autres adeptes incitant tous les fidèles à faire du prosélytisme par le biais du désormais célèbre copiez-collez. Les raccourcis clavier CTRL + C et CTRL + V représentent d’ailleurs les gestes sacrés du dogme suédois…

Les kopimistes ont des ambitions dans la sphère spirituelle et dans le champ politique : ils entretiennent d’étroits liens avec le Parti pirate suédois. Le plus bel exemple de cette filiation reste Gustav Nipe, co-fondateur du kopimisme et président de l’association étudiante du parti. Créé en 2006, le Piratpartiet qui milite notamment pour une réforme des droits de la propriété intellectuelle, des brevets et le développement d’une démocratie directe, est vite devenu populaire suite à la fermeture du site de téléchargement The Pirate Bay. « Le gouvernement suédois a cédé sous la pression de l’industrie américaine du divertissement en violant les droits des citoyens suédois. Ça a vexé le peuple », explique Rickard Falkvinge, président du Piratpartiet, dans le documentaire Good Copy, Bad Copy.
Les pirates suédois sont donc partis à l’abordage des urnes décrochant deux sièges d’eurodéputés en 2009.

En Belgique, le parti n’a pas encore d’élu, mais espère marcher sur les traces de sa maison-mère : « J’ai obtenu 238 voix en seulement trois semaines de campagne, ce n’est pas si mal, plaisante Line Callebaut, candidate à Bruxelles-ville lors des communales d’octobre dernier et secrétaire générale du Parti pirate belge. Beaucoup de gens sont intéressés et nous suivent. Le problème, c’est qu’on n’a pas d’argent. Cela pourrait donc être intéressant de voir le kopimisme reconnu comme religion ici aussi… »

L’Eglise de la Scientologie, les témoins de Jéhovah, l’Ásatrú… En Suède, plus d’une vingtaine de croyances ont été reconnues officiellement par l’Etat alors que la séparation avec l’Eglise luthérienne ne s’est faite qu’en 2000. En Belgique, où seules six religions sont officielles (islam, catholicisme, anglicanisme, orthodoxie, protestantisme et judaïsme), « il est impossible que le kopimisme soit reconnu, car il faudrait faire pareil avec des cultes implantés depuis plus longtemps, comme la scientologie, estime Anne Morelli, directrice du Centre interdisciplinaire de l’étude des Religions et de la Laïcité. Cette reconnaissance est d’autant plus difficile qu’elle entraîne le versement de subsides. »

En pleine crise économique, pas évident donc que les autorités mettent la main au portefeuille pour financer une « religion » qui encourage le téléchargement illégal.

JACQUES BESNARD

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