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Le Kenya suspendu à l’annonce des résultats de la présidentielle

Le Vif

Le Kenya attendait vendredi dans le calme la proclamation du vainqueur de l’élection présidentielle alors que l’opposition se disait désormais prête à accepter les résultats si la commission électorale lui donne accès à ses serveurs informatiques.

L’opposition a multiplié les accusations de fraude depuis mardi, jour du scrutin, alors que des résultats provisoires créditent le président sortant Uhuru Kenyatta d’une large avance.

Saluées par la communauté internationale, les élections générales s’étaient déroulées dans le calme mardi. Mais les invectives de l’opposition et des scènes de confrontations entre partisans de l’opposition et policiers lourdement armés ont ravivé le spectre des violences qui avaient suivi la présidentielle de 2007 (au moins 1.100 morts, 600.000 déplacés).

Le nom du vainqueur ne sera annoncé par la commission électorale (IEBC) qu’une fois les résultats complets compilés et authentifiés au niveau des 290 circonscriptions du pays. L’IEBC a indiqué vendredi après-midi avoir reçu les résultats de 288 circonscriptions, mais n’a pas précisé quand elle proclamerait le vainqueur.

Après avoir évoqué un piratage informatique – démenti par l’IEBC -, vivement critiqué la commission électorale et demandé que Raila Odinga soit déclaré vainqueur, l’opposition a adopté un ton plus conciliant vendredi après les appels au calme et à la retenue émanant de la communauté internationale.

Le sénateur James Orengo, un haut responsable de la coalition d’opposition Nasa, a appelé l’IEBC à autoriser l’accès à ses serveurs afin d’inspecter « ce qui a été envoyé depuis le terrain » ainsi que le piratage allégué. « Nous sommes prêts à accepter les résultats contenus dans ces serveurs », a-t-il dit.

La commission « ne doit pas précipiter sa proclamation », a déclaré de son côté le numéro trois de l’opposition, Musalia Mudavadi, soutenant que le processus d’authentification des procès-verbaux des élections était loin d’être terminé et reconnaissant que « l’entité qui proclame le résultat d’une élection est l’IEBC ».

Il a assuré que certains procès-verbaux reçus pas l’IEBC provenaient de bureaux de vote non répertoriés.

Amertume

La ville de Kisumu (ouest) et plusieurs bidonvilles de Nairobi étaient globalement calmes vendredi dans l’attente des résultats alors que des échauffourées réprimées sans ménagement par la police avaient éclaté mercredi dans ces bastions de l’opposition, où les déceptions électorales sont fréquentes et souvent sources de tensions.

Deux manifestants ont été abattus mercredi dans un bidonville de Nairobi alors que le bilan de l’attaque d’un bureau de vote de l’Est du pays mercredi est passé à quatre morts, dont deux assaillants.

Le comportement des quelque 150.000 membres des forces de sécurité déployés pour le scrutin, appelés par Amnesty International à ne pas faire un usage disproportionné de la force, sera crucial dans les jours à venir.

Les résultats provisoires de l’IEBC créditaient M. Kenyatta de 54,24% des voix contre 44,87% à M. Odinga, sur 99% des bureaux de vote dépouillés.

Une éventuelle victoire de M. Kenyatta laisse craindre un vif sentiment d’amertume chez les partisans de M. Odinga, et de possibles troubles. Depuis mardi, le pays tourne au ralenti et Nairobi, capitale habituellement embouteillée, offre le spectacle d’une ville morte.

Jeudi soir, M. Odinga, 72 ans, s’est dit « déçu » par les observateurs étrangers ayant apporté leur soutien à l’IEBC. « Nous ne voulons voir aucune violence au Kenya », avait-il ajouté, avant de toutefois conclure: « Je ne contrôle personne. Les gens veulent la justice ».

Rivalité dynastique

Les accusations de fraude ont exacerbé les passions déjà lestées d’un demi-siècle de rivalité dynastique entre les familles Kenyatta et Odinga. Le père de ce dernier, Jaramogi Oginga Odinga, fut brièvement vice-président, avant de perdre la lutte post-indépendance pour le pouvoir au profit du premier chef d’État Jomo Kenyatta, père d’Uhuru.

En outre, M. Odinga livre certainement sa dernière grande bataille politique, lui qui s’est présenté quatre fois à la présidentielle.

En 2007, il avait rejeté la réélection de Mwai Kibaki, lors d’un scrutin entaché de nombreuses fraudes selon les observateurs. En 2013, il avait aussi contesté sa défaite et s’était tourné en vain vers la justice.

M. Odinga, membre de la communauté luo de l’ouest du pays, s’est une nouvelle fois présenté comme le garant d’une répartition plus équitable des richesses de l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est.

De son côté, le président Kenyatta, issu de l’élite économique kikuyu, l’ethnie la plus nombreuse au Kenya, a mis en avant avec son colistier William Ruto le développement économique du pays, avec notamment la nouvelle ligne ferroviaire entre Nairobi et Mombasa.

Si l’élection présidentielle était au centre de l’attention, les Kényans ont également voté pour élire leurs gouverneurs, députés, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l’Assemblée.

L’opposition semble ainsi avoir perdu plusieurs postes de gouverneur de comté au profit du parti au pouvoir, dont celui du très convoité de Nairobi.

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