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Le jour où… Les Grecs ont dit non à l’austérité européenne

Arnaud Ruyssen
Arnaud Ruyssen Journaliste à la RTBF

C’est l’histoire d’un coup de poker. Il y a un an, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, décidait, contre toute attente, d’organiser un référendum sur les exigences posées par les créanciers de son pays. Personne ne l’avait vu venir.

Au soir du 26 juin 2015, Tsipras avait quitté le sommet européen de Bruxelles sans rien dire de ses intentions. Quelques observateurs avisés lui avaient trouvé un air étonnement solennel, en conférence de presse, mais ils étaient bien loin d’imaginer que, dès son retour au pays, il allait convoquer son gouvernement et annoncer, en pleine nuit, la tenue de ce référendum. Un vote fixé au 5 juillet, soit huit jours plus tard. Les Grecs étaient surpris, les Européens abasourdis.

La suite est connue : 62 % des Grecs rejettent les mesures d’austérité proposées. Un vote sans appel, un « non » massif. Et pourtant, le week-end suivant, de retour à la table avec ses collègues européens et créanciers, le gouvernement Tsipras accepte la plupart des mesures refusées par son peuple. Alors, comment expliquer un tel retournement de situation ?

A l’autopsie, il semble bien qu’Alexis Tsipras savait, dès le soir du référendum, que ce « non » serait extrêmement lourd à porter. Pour la foule, il prononce, tout sourire, un discours triomphant. En coulisse, l’ambiance est nettement plus morose. A 23 heures, le Premier ministre convoque une réunion du gouvernement dans sa résidence officielle de Maximos, à Athènes. Un témoin raconte : « Certains imaginaient une atmosphère de fête, il régnait une ambiance d’enterrement. »

Tsipras a déjà compris. Depuis le 30 juin, son pays est en état de faillite virtuelle, tout juste soutenu par une perfusion, au compte-gouttes, de la Banque centrale européenne. Les banques sont fermées, les retraits sont limités à quelques dizaines d’euros par jours. Devant les distributeurs automatiques, les files s’allongent. Et puis, durant la semaine, le Premier ministre grec a aussi a eu des contacts téléphoniques avec Jean-Claude Juncker. Le président de la Commission européenne lui a décrit l’exaspération des autres membres de la zone euro. Ils ne lui feront pas de cadeau.

Et le Grexit, alors ? Le gouvernement grec l’a-t-il, lui-même, envisagé ? « Oui », raconte James Galbraith, professeur d’économie et expert au cabinet de Yannis Varoufakis, alors ministre des Finances. « On a effectué des préparations concrètes mais pas complètes. » Il en résulte que c’est impossible à mettre en oeuvre à court terme. Sans un accord avec les créanciers, le système bancaire grec s’écroulerait, impossible de payer les retraites, les salaires… Plus la moindre opération financière. Les Grecs l’ont constaté en dix jours de contrôle des capitaux : ce n’est pas vivable.

Au moment d’entamer son bras de fer, Alexis Tsipras sait donc déjà qu’il va le perdre. Il ne le fera pas sans honneur. Avec son équipe, il va lutter, une nuit durant, pour ne décrocher que quelques concessions symboliques. Et les Grecs lui sauront gré d’avoir au moins essayé. Deux mois plus tard, Syriza, le parti du Premier ministre, gagnera largement les législatives anticipées, dans un pays bien loin d’avoir tourné la page de la crise.

Ce samedi midi sur La Première :

Tous les samedis d’été, à 12 heures, sur La Première, dans l’émission Autopsie, Arnaud Ruyssen raconte les coulisses d’un événement de l’histoire récente. Ce 9 juillet, retour sur le week-end où la Grèce a failli être exclue de la zone euro.

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