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Le Cambodge tout entier, autour de la dépouille du roi Norodom Sihanouk

Le Vif

L’ancien roi, mort en octobre dernier, suscite une ferveur unanime parmi les Cambodgiens. Des millions d’entre eux devraient assister, ce lundi, à ses funérailles.

Portraits du roi-père tapissant les rues de la capitale, ruban noir accroché aux vêtements, murs de fleurs et forêt d’encens aux portes du Palais royal… Au Cambodge, c’est tout un peuple qui s’apprête à faire ses adieux au charismatique Norodom Sihanouk.
L’homme aux mille et une facettes, dont les prises de position ont souvent dérouté en Occident, a été tout à la fois : père de l’indépendance, roi, co-fondateur du Mouvement des non-alignés, chef d’Etat, président du régime de Pol Pot puis prisonnier des Khmers rouges, bloggeur, artiste. Le Cambodge, vraiment, c’était lui.

Ses funérailles, ce lundi dans la capitale, devraient rassembler plusieurs millions de Cambodgiens venus de tout le pays. Depuis sa disparition, le 15 octobre dernier, à l’âge de 89 ans, un élan de ferveur traverse toutes les couches de la société et le fait entrer dans la légende.

 » Il était comme un dieu « , explique le frêle ouvrier Vanna, fier d’avoir été affecté à la construction du magnifique pavillon crématoire, érigé dans la tradition royale.  » Le peuple regrette sa disparition. C’est lui qui a su développer le pays et les Cambodgiens n’ont pas oublié qu’ils vivaient bien sous son régime. Bien mieux que maintenant…  »

Le mythe d’un âge d’or

Alors que la monarchie a perdu de son lustre, désormais cantonnée à un rôle purement symbolique, on se bouscule pour saluer sa mémoire. L’heure est à la nostalgie du mythe d’un âge d’or, celui d’un Cambodge des années 1960, prospère et en paix, dont Sihanouk présidait aux destinées.

Si, de son vivant, il n’est pas toujours parvenu à maintenir l’unité de son royaume, par sa disparition, il rassemble la nation. Une vague d’émotion populaire que documente le jeune et talentueux photographe Kim Hak :  » Depuis le 17 octobre, je suis venu devant le Palais tous les jours, explique-t-il. Tous les Cambodgiens sont affectés par sa mort. Certains campent depuis des mois devant le Palais. C’est très émouvant. Je réalise aujourd’hui seulement qu’il était  »l’unité » entre nous et j’ai décidé d’intituler ainsi cette série de photos.  »

Sihanouk a marqué plusieurs générations, souligne le réalisateur Rithy Panh.  » Il reste très présent. Politiquement, bien sûr, mais aussi sur un plan artistique. Tout le monde a vu des films de Sihanouk, connaît ses chansons. Il suffit de regarder le nombre de jeunes qui ont pris ses chansons comme sonnerie de téléphone. Il était le père, le représentant. L’affection qu’il suscite est très sincère, me semble-t-il.  »

En creux de ces effusions d’amour transparaît l’angoisse. Car la même interrogation revient comme une ritournelle :  » Qui sera notre leader à présent ?  » Même si Sihanouk était très en retrait depuis son abdication en 2004, dans l’esprit des Cambodgiens, il évoquait une image protectrice. Il était l’unificateur. Problème : à leurs yeux, il était le seul.

 » Espérons que la classe politique saura maintenir cette cohésion aujourd’hui retrouvée, que Sihanouk avait su créer « , confie Kemrin, un élégant fonctionnaire. L’harmonie sociale semble en effet bien fragile, les regards étant portés vers les prochaines élections législatives qui se tiendront en juillet prochain, et dont la tenue suscite d’innombrables inquiétudes.

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